Madame la Ministre,
En ce 6 avril 2016, le Conseil d’Etat, suite à une procédure initiée par le syndicat d’enseignants du secondaire SNES-FSU, a levé l’interdiction de dissection de souris dans l’enseignement secondaire. Celle-ci avait pourtant été bannie des programmes scolaires du secondaire par votre circulaire du 28 novembre 2014.
Cette circulaire autorisait les dissections « sur des invertébrés, à l’exception des céphalopodes, et sur des vertébrés ou sur des produits issus de vertébrés faisant l’objet d’une commercialisation destinée à l’alimentation ». Ainsi, les animaux vertébrés élevés dans le seul but d’être disséqués (souris, grenouilles…) étaient protégés.
Votre action salutaire, fondée sur le principe des 3R (raffiner, réduire, remplacer, l’expérimentation animale) dont l’application est exigée par la Directive européenne 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, permettait de réduire sensiblement le nombre d’animaux utilisés dans l’enseignement secondaire et nous vous en félicitons.
Nous déplorons en revanche que l’esprit progressiste de la Directive soit remis en question par un syndicat enseignant qui fait preuve sur ce point de conservatisme en refusant de laisser place à d’autres outils pédagogiques innovants et efficaces.
D’après le syndicat, ces dissections seraient nécessaires afin que les élèves soient « confrontés avec le réel » et précise que les alternatives sont « loin de pouvoir remplacer la manipulation du vivant ». Ces arguments ne nous semblent pas recevables : d’une part, il est incompréhensible de faire référence au « vivant » alors qu’il s’agit bien de manipuler des animaux tués dans le but d’être disséqués. D’autre part, des études ont démontré que l’efficacité pédagogique en termes d’acquisition de connaissances par des méthodes alternatives à la dissection est égale ou supérieure à cette dernière. À notre connaissance la déclaration péremptoire du syndicat, invalidant par principe les alternatives pédagogiques, ne repose sur aucun fondement.
Pour préciser sa position, le syndicat ajoute dans une note du 12 avril que « le travail sur du matériel réel amène à se poser des questions sur les responsabilités humaines, à être plus enclin à respecter la vie animale ». Au contraire, cela favorise l’indifférence au monde vivant au lieu de promouvoir la solidarité et le respect des animaux et de la nature. Pour atteindre les objectifs très louables exposés par le SNES-FSU, d’autres méthodes sont envisageables : pourquoi ne pas organiser des séances d’observation des animaux dans leur milieu naturel, des débats avec des éthologues, les faire assister à des soins dans une école vétérinaire, en complément de l’utilisation d’alternatives didactiques aux dissections ?
Pour tous les motifs exposés ci-dessus, nous vous demandons de bien vouloir – par voie d’arrêté ministériel — maintenir l’interdiction des dissections telle que définie dans votre circulaire de novembre 2014 et — tant pour des motifs éthiques et pédagogiques que par respect pour la sensibilité des adolescents de l’enseignement secondaire — d’élargir cette interdiction à l’ensemble des animaux vertébrés et des céphalopodes (que ceux-ci soient ou non destinés à l’alimentation).
Cette interdiction devrait s’accompagner de la mise en place d’outils pédagogiques remplaçant les dissections au sein des collèges et lycées.
Nous vous soutiendrons totalement dans cette démarche responsable, en accord avec les valeurs de respect de l’animal de plus en plus présentes dans la société française.
Nous vous remercions par avance de bien vouloir prendre en compte notre demande et vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Salomé Pollet
Docteur vétérinaire
Titulaire d’un Master de recherche en écologie évolutive
Porte parole de Pro Anima