Peut-on et pourquoi se passer de l’expérimentation animale ?

Peut-on et pourquoi se passer de l’expérimentation animale ?

Les lacunes et défaillances scientifiques du modèle animal

Aux raisons éthiques fondamentales relatives aux conditions de vie et d’utilisation des animaux dans les laboratoires, la valeur prédictive de ces études basées sur les animaux ne semble plus faire sens pour l’humain aujourd’hui.

Dans le cas des médicaments, plus de 90% des molécules testées sur l’animal échouent lors des essais cliniques sur les humains

« Une étude de 2004 de la Food and Drug Administration des États-Unis a révélé que 92% des médicaments entrant dans les essais cliniques après des tests sur les animaux ne sont pas approuvés. Parmi ceux approuvés, la moitié sont retirés ou ré-étiquetés en raison d’effets indésirables graves ou mortels non détectés lors des tests sur les animaux »

Trop de variables ne sont par ailleurs pas prises en compte. Tout ce qu’un chercheur peut faire à un animal dans un laboratoire peut provoquer des changements dans sa physiologie qu’on ne peut pas contrôler (il peut s’agir de la lumière, du type de cage, de la fréquence des manipulations, du stress que subissent les animaux du fait de leur détention…)

Alors que la connaissance des taux et des causes d’attrition des candidats-médicaments par phase de développement clinique et par domaine thérapeutique est précieuse pour évaluer l’impact des changements dans la stratégie de développement et l’orientation du domaine de recherche par l’industrie pharmaceutique, l’étude d’Arrowsmith et Miller publiée en 2013 dans la revue Nature (Nat Rev Drug Discov 12, 569) montrait que la majorité des échecs était notamment due à un manque d’efficacité (56%) ou à des problèmes de sécurité (28%).

Ainsi, les effets secondaires des médicaments (iatrogénie) provoquent chaque année des milliers d’hospitalisations et de décès prématurés.

En cause : cette mauvaise évaluation des risques chimiques toxiques. Les scandales se succèdent : Distilbène, Diane 35, Médiator, Vioxx, Dépakine, Isoméride….

Au niveau européen, au moins 197.000 citoyens perdent la vie prématurément à la suite d’effets secondaires de médicaments (Commission Européenne, Mémo déc. 2008 repris par The Lancet en 2011) ; produits pourtant longtemps testés sur les animaux et considérés comme efficaces.

En France, cette iatrogénie a un coût humain élevé puisque 130 000 hospitalisations et 10 000 décès par an seraient dus à ces effets délétères (estimation janvier 2013 — chiffre assurance maladie).

L’autre raison scientifique fondamentale de s’en passer

Certains scientifiques opposés à l’expérimentation animale ne le sont pas seulement pour des raisons éthiques mais aussi sur le fondement qu’aucune espèce n’est le modèle fiable d’une autre espèce est admise par un nombre grandissant de chercheurs.

Cela peut se démontrer logiquement et scientifiquement :

En effet, une espèce est définie par son isolement reproductif au sein d’une niche écologique spécifique. Les membres d’une espèce ne peuvent se reproduire qu’entre les membres d’une même espèce et non avec ceux d’une autre.

Elle se caractérise aussi par ses chromosomes : les chromosomes d’espèces différentes sont aussi différents. Or les chromosomes d’un individu déterminent toutes ses activités biologiques. Les activités biologiques de 2 espèces différentes étant différentes, une espèce ne peut  pas être le modèle fiable d’une autre.

Cette spécificité inter-espèce explique la faiblesse de l’expérimentation animale et devrait pousser la communauté scientifique à s’émanciper du modèle animal. 

Un des exemples les plus cités pour illustrer ce fait est celui de l’échec de la recherche sur les maladies du cerveau. Pour Alzheimer, plus de 99% des potentielles thérapie évaluées avec succès sur des modèles animaux ont été mis en échec lors des essais sur patients (chiffres de l’Alzheimer Research & Therapy Center).

Récemment, le géant pharmaceutique PFIZER a annoncé cesser ses activités de recherche sur Parkinson et Alzheimer.

Peut-on s’en passer ?

C’est déjà le cas en Europe pour les cosmétiques, qui ne sont plus testés sur les animaux depuis mars 2013 (bien qu’une vigilance doit continuer à être portée sur ces produits).

Ces dix dernières années, l’OCDE a validé une vingtaine de méthodes alternatives pour tester la toxicité des substances.

Il est également interdit de pratiquer la dissection en collèges et lycées, sur des souris,  ou autres animaux tués dans ce but.

Aujourd’hui, « les lacunes des modèles animaux sont bien documentées par le taux d’échec élevé (supérieur à 90%) des nouveaux médicaments testés sur les animaux et le nombre croissant de revues scientifiques indiquant qu’ils contribuent peu à la compréhension des maladies et des conditions humaines. »

En revanche, « (…) les modèles avancés non animaux sont des technologies révolutionnaires, avec le potentiel d’améliorer considérablement notre compréhension des maladies humaines en produisant des données basées sur la biologie humaine, ce qui entraîne des avantages considérables pour la santé publique en termes de prévention et de guérison des maladies. »

(Extrait de l’Appel cosigné par l’ECEAE et destiné à la Commission Européenne pour établir un Plan d’Action pour accélérer la transition vers l’innovation sans l’utilisation d’animaux dans la recherche, les tests réglementaires et l’éducation)

Qu’est-ce qui bloque encore ? / Quels sont les principaux freins au développement des méthodes substitutives ?

Globalement la communauté scientifique est peu motivée par un remplacement de l’expérimentation animale par des méthodes alternatives. Ainsi, certaines méthodes de remplacement validées sont ignorées par les laboratoires qui favorisent l’utilisation animale. Cette routine du “tout test sur animaux” plombe les efforts demandés par la Directive 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.

Certaines voies de recherches alternatives, sans animaux ont déjà prouvé leur efficacité, mais il reste beaucoup à faire pour mettre un terme aux expérimentations animales. Le cadre réglementaire rigide n’autorise pas pour l’instant de se passer des tests sur animaux en Recherche & Développement.

Quelques arguments aux questions que vous vous posez

Pour beaucoup, l’expérimentation animale est discutable sur le plan moral mais nécessaire, dans l’état actuel des connaissances, pour assurer l’efficacité et la sécurité des médicaments. Pourtant, nous démontrons, en répondant aux questions les plus fréquemment posées par les défenseurs du modèle animal, que ceux-ci ont tort.