Session de questions orales à la Commission Européenne

Session de questions orales à la Commission Européenne


Plans et actions pour accélérer une transition vers l'innovation sans l'utilisation d'animaux dans la recherche, la réglementation et l’éducation

30 juillet 2021

A travers un communiqué commun, Cruelty Free Europe, European Coalition to End Animal Experiment (ECEAE), Eurogroup for Animals, HSI Europe et PETA — qui représentent ensemble plus de 100 organisations dans 24 États membres de l’UE – avaient fermement soutenu l’introduction de questions orales avec motion pour une résolution appelant à un plan d’action de l’UE pour éliminer progressivement les tests sur les animaux.

Le communiqué rappelait par ailleurs un sondage d’opinion réalisé en juin 2020 révélant que près des trois quarts (72 %) des adultes dans les États membres de l’UE convenaient que l’UE devrait fixer des objectifs et des délais contraignants pour éliminer progressivement les tests sur les animaux.

Le 8 juillet dernier s’est donc tenu cette importante session de questions orales posées par une dizaine d’eurodéputés à la Commission Européenne sur le sujet des objectifs fixés il y a plus de 10 ans maintenant par la directive 2010/63/UE du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.

Vous trouverez ci-après les diverses interventions de la session plénière ainsi que les réponses de la Commission Européenne mises en avant par le biais de sa représentante Adina-Iona Valean, Commissaire Européen aux Transports.

Les mots d’introduction* pour la Commission

La séance a commencé par quelques mots d’introduction de Madame Adina-Iona Valean souhaitant rappeler l’engagement de l’Union Européenne à soutenir le bien-être animal et à protéger l’environnement, reconnaissant ainsi la valeur intrinsèque des animaux, et la conviction de la Commission de la nécessaire suppression progressive de l’expérimentation animale en Europe.

La Commissaire Européen aux Transports est ensuite revenue sur le caractère unique de la directive 2010/63/UE, réglementation la plus stricte au monde, avec le remplacement complet des animaux en science comme objectif.

En revanche, le rappel par Madame Valean que « l’utilisation d’animaux est déjà interdite si des méthodes alternatives sont disponibles et qu’il y a déjà l’interdiction des tests sur les animaux pour les cosmétiques » interroge.

En effet, il existe encore des tests sur animaux en cosmétique (notamment le test DL50 que dénonçait le communiqué de l’ECEAE que nous avons relayé avant l’été), et abondent de nombreux exemples du non-respect de l’interdiction de l’expérimentation animale alors qu’existent des alternatives.

Nous nous interrogeons également lorsque la Commissaire indique que « la Commission soutient activement le développement de méthodes alternatives en finançant la recherche correspondant à environ 800 Millions d’euros sur les 20 dernières années ». Cette somme, comme le rappellent les eurodéputés, reste en effet dérisoire face aux allocations de l’expérimentation animale.

La Commission fit ensuite état de son accueil de l’EURL-ECVAM (laboratoire de référence européen pour la validation des méthodes alternatives) qui contribue de manière tangible au développement et à la validation de méthodes alternatives, ainsi que le Joint Research Laboratory (situé à Ispra en Italie).

Avant de laisser la parole aux eurodéputés pour la session de questions orales, la Commissaire indiqua enfin quelques autres initiatives mises en place :

D’une part, la participation active au financement des coprésidences de partenariats européens pour des approches alternatives à l’expérimentation animale : il s’agit d’un partenariat privé-public qui comprend cinq directeurs à la Direction Générale de la Commission Européenne, vingt-sept entreprises et huit industries européennes, chacune représentant une zone industrielle

Ce partenariat vise à remplacer l’expérimentation animale par des méthodes innovantes non animales afin de réduire le nombre d’animaux utilisés mais aussi d’affiner la procédure lorsqu’aucune alternative n’existe ou n’est pas suffisante pour assurer la sécurité.

D’autre part, le lancement de la base de données statistiques, accessible au public : ALURES ; base de données initiée par le biais de la directive et l’engagement de transparence auquel sont tenus les États membres et la Commission sur l’utilisation des animaux en science.

Les interventions* des Eurodéputés

Onze eurodéputés ont interrogé la Commission sur les avancées et le respect des objectifs de la directive 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.

Les eurodéputés, originaires de Slovaquie, du Portugal, du Luxembourg, d’Hongrie, d’Espagne, d’Allemagne ou encore de France, représentaient différents groupes parlementaires, tels que le Groupe du Parti populaire européen ; Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen ; Renew Europe ; Groupe des Verts/Alliance libre européenne.

Une situation inchangée

Tous ont dressé un constat unanime et alarmant, en dépit du caractère unique de la directive européenne, l’objectif fixé du remplacement complet de l’expérimentation animale pour la recherche est loin d’être atteint.

Pire, tout en soulignant les faibles apports de l’expérimentation animale sur la connaissance des maladies humaines, le nombre d’animaux utilisés et soumis à des conditions et des expériences cruelles n’a quasiment pas baissé.

« Quand on parle d’animaux utilisés pour la science, j’ai cette image qui me revient sans cesse en tête : ce singe avec ses poignets liés regardant la caméra que tient le lanceur d’alerte. Vous pouvez voir la souffrance dans ses yeux. Et il semble demander : pourquoi ?

Le singe ne peut pas parler, alors je le répète ici : Pourquoi ? La directive de 2010 a été un pas en avant important. Mais pourquoi le nombre d’animaux n’a t‑il pas baissé ?»
Caroline Roose – France (Groupe des Verts/Alliance libre européenne)

 

« Des années après l’adoption de la directive relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, les animaux (poissons, chats, oiseaux) continuent d’être utilisés et sont exposés à des substances toxiques, ils sont soumis à de multiples expériences, leur peau est par exemple brûlée… »
Jytte Guteland – Suède (Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen)

 

« Les animaux ne sont pas du matériel jetable. Infliger de la douleur n’a pas sa place dans la science du 21ème siècle ! Des pratiques cruelles ont toujours lieu au sein de l’Union. Il y a encore quelques semaines ou quelques mois, une vidéo de l’intérieur d’un laboratoire espagnol montrait des pratiques cruelles ; ceci, seulement 8 mois après que le même problème ait été montré dans un laboratoire allemand. »
Katalin Cseh – Hongrie (Renew Europe)

 

« La directive est l’une des législations les plus strictes au monde. Pourtant, elle ne fournit pas de stratégie claire pour la transition vers des méthodes innovantes non animales.

En conséquence, chaque année 10 millions d’animaux souffrent dans les laboratoires de l’UE, avec des résultats scientifiques, des résultats de recherche très faibles et limités. Le taux d’échec est très élevé : plus de 90 % des nouveaux médicaments qui sont testés sur les animaux échouent lors du passage à l’homme. Un nombre croissant indique également que les expérimentations sur les animaux et les résultats contribuent très peu à la compréhension des maladies humaines. »
Tilly Metz – Luxembourg (Groupe des Verts/Alliance libre européenne)

 

« Des images d’infiltration/en caméra cachée du laboratoire allemand LPT et du laboratoire espagnol Vivotecnia ont montré des images de chiens, de lapins et de singes terriblement maltraités : des expériences douloureuses réalisées sans anesthésie, des animaux frappés et abandonnés à leur sort. Et cela a été révélé par l’action de lanceurs d’alerte.

Pourquoi la Commission continue-t-elle d’alimenter les données collectées par ces deux laboratoires dans le processus décisionnel comme la décision d’autoriser l’utilisation du glyphosate ? Alors même que la valeur scientifique de ces données est extrêmement sommaire. »
Anja Hazkamp — Pays-Bas (Groupe de la Gauche au Parlement européen)

Les apports des méthodes substitutives bien que largement moins financées

En parallèle à ce constat sur l’expérimentation animale, tous les eurodéputés ont également tenu à souligner le problème central du manque criant de financement pour les méthodes alternatives, alors même que ces méthodes ont connu des progrès considérables et produisent de meilleurs résultats que ceux de l’expérimentation animale :

« L’émergence rapide de méthodes avancées non animales offre d’immenses opportunités pour remplacer les animaux et améliorer la recherche. Le JRC (Joint Research Center) a répertorié plusieurs de ces méthodes pour plusieurs domaines de maladies mais elles ne sont pas suivies de mesures concrètes ».
Michal Wiezik – Slovaquie (Groupe du Parti populaire européen )

 

« Les objectifs de la directive sont clairs : tous les animaux doivent être remplacés par des alternatives non animales. Le nombre d’expériences utilisant des animaux n’a que très peu baissé. Des développements étonnants ont lieu dans le monde et des innovations, tels que la simulation technologique / informatique. L’ECVAM a également validé des alternatives.

Commission, que faites-vous pour promouvoir de telles alternatives et le développement de nouvelles technologies ? ».
Anja Hazkamp — Pays-Bas (Groupe de la Gauche au Parlement européen)

 

« Il n’y a pas de réelle stratégie pour remplacer les animaux par des méthodes alternatives. Il est nécessaire de préparer certaines actions afin de faciliter cette transition. »
Jadwiga Wisniewska – Pologne (Conservateurs et réformistes européens)

Les demandes de mesures concrètes des eurodéputés pour un plan de transition effectif

« La Commission convient-elle qu’après 10 ans d’absence de progrès, nous avons bel et bien besoin d’un plan pour accélérer cette transition vers des méthodes sans animaux ?

La Commission convient-elle qu’elle pourrait faire plus avec les États membres ?

Qu’elle pourrait promouvoir les compétences clés et les connaissances requises pour l’utilisation de méthodes non animales ?

Qu’elle pourrait créer des mécanismes de financement préférentiel des méthodes non animales ?

Qu’elle pourrait fixer de réels objectifs de réduction grâce à une mise en œuvre plus proactive des réglementations existantes qui traitent de la sécurité des produits chimiques et autres ?

Il existe un plan pour développer une recherche européenne et mettre en place des domaines prioritaires, auquel les États membres collaborent, alors, la Commission convient-elle que la suppression progressive de l’utilisation des animaux devrait être l’un de ces domaines prioritaires ? ».
Tilly Metz – Luxembourg (Group of the Greens/European Free Alliance)

 

C’est ce que demandent les citoyens : 7 adultes sur 10 pensent que le remplacement complet des animaux par des méthodes non animales devrait être une priorité pour l’UE. C’est ce que nous demandons à la Commission ».
Katalin Cseh – Hongrie (Renew Europe)

 

Faire plus avec des objectifs concrets et de manière coordonnée. Le ciblage du financement, de l’éducation et d’une large collaboration est essentiel pour produire des modèles et des technologies avancés innovants en tant que nouvelles normes.

La Commission devrait : œuvrer à l’alignement des agences en mettant en place un dialogue sur l’utilisation réglementaire des modèles non animaux ; ceci, en anticipation de la démarche d’évaluation 1 substance – 1 évaluation (‘1 substance — 1 assessment’) et assurer le budget des agences dédiées à ces modèles ».
Michal Wiezik – Slovaquie (Groupe du Parti populaire européen)

 

« Nous avons aussi beaucoup de défis : des enjeux sanitaires, la protection du climat, la protection de la biodiversité. Nous devons intensifier nos efforts, investir dans l’éducation. Nous devons nous rappeler qu’il y a une sensibilité croissante de nos sociétés. La transparence de nos institutions est également essentielle ! ».
Jadwiga Wisniewska – Pologne (Conservateurs et réformistes européen)

 

« L’UE n’a-t-elle donc pas une politique pertinente et des initiatives toutes alignées pour remplacer et éliminer progressivement les expérimentations animales ? Pourquoi n’avons-nous pas un plan clair ? Avec des étapes importantes, des tournants et un calendrier ? Nous savons que sans objectifs clairs, il n’y a pas de réel progrès.

Ce qui se passe en laboratoire ne peut pas rester en laboratoire.

Nous devons mettre fin à l’expérimentation animale maintenant ! ».
Francisco Guerreiro – Portugal (Groupe des Verts/Alliance libre européenne)

 

La session s’est conclue par une prise de parole, pour la Commission Européenne, de Madame Adina-Iona Valean rappelant les arguments évoqués en introduction et donnant quelques exemples des initiatives en cours, en vue d’atteindre l’objectif de la directive européenne :

  • en matière de médecine vétérinaire, avec une réglementation de 2019 qui deviendra applicable en janvier 2022 et qui appelle à évaluer la faisabilité d’un système d’examens basé sur les substances actives, pour l’évaluation des risques environnementaux des produits vétérinaires. Un tel système pourrait encourager/impliquer les candidats à des efforts conjoints pour générer les données requises pour réduire les tests sur les animaux.
  • pour les additifs alimentaires pour animaux (”animal feed additives”), les travaux préparatoires à la révision du règlement sur les additifs utilisés en alimentation animale, les objectifs de réduction animale sont visés en imposant le partage obligatoire des données entre les demandeurs d’autorisations d’alimentation (demande d’additif alimentaire) en ce qui concerne les tests toxicologiques chez les animaux vertébrés.
  • la ‘Chemical Strategy for Sustainability’ (Stratégie Chimique pour la Durabilité), qui comprend un engagement fort envers des méthodes alternatives et l’utilisation de technologies numériques pour éliminer les tests inutiles sur les animaux.

La discussion et le vote sur la proposition de résolution ‘Plans et actions pour accélérer une transition vers l’innovation sans l’utilisation d’animaux dans la recherche, la réglementation et l’éducation’ auront lieu le 13 septembre 2021.


* Les interventions, lors de la diffusion de la séance, ont été faites et/ou traduites simultanément en anglais par les services techniques de l’UE. La traduction en français a été réalisée par Pro Anima. Pour des raisons de place, il s’agit ici d’une retranscription partielle (dont vous pouvez retrouver en globalité sur notre site de proanima.fr) et qui se veut être la plus fidèle possible des propos tenus et/ou traduits.