Marchés vivants ou animaux cobayes : d’où vient le plus grand danger ?


23 avril 2020

L’actualité nous rappelle brutalement le risque de transmission à l’homme de virus d’animaux sur les « marchés vivants » ou par la consommation de produits d’animaux sauvages. Malheureusement, des pays comme la Chine n’ont émis qu’une interdiction temporaire de telles pratiques. Une fois la pandémie de coronavirus endiguée, ce pourrait être un retour au « business as usual » dans des endroits où la consommation d’animaux sauvages est une tradition. Il existe cependant une autre voie possible de pénétration de virus d’animaux dans l’organisme humain. Non pas accidentelle, celle-là, mais bien délibérée : les vaccins produits par l’industrie pharmaceutique destinés à un usage général dans la population humaine. Nos chercheurs affirment maîtriser les virus utilisés pour la fabrication de ces vaccins. Mais sommes-nous réellement en sécurité ?

La communauté scientifique a été surprise par la vitesse à laquelle la pandémie virale COVID-19 s’est propagée à travers le monde. Des essais cliniques de médicaments et de vaccins sont déjà en cours. Certains essais vaccinaux ont reçu le feu vert officiel sans attendre les résultats des tests habituels sur animaux. En temps normal, le développement d’un vaccin peut prendre jusqu’à 20 ans et comprend des essais d’innocuité et d’efficacité sur plusieurs espèces animales.

Plutôt que d’entrer dans le débat de la fiabilité de tels essais pour prédire la réponse humaine, nous nous interrogeons ici sur une autre question importante, largement ignorée du grand public : l’utilisation de virus d’animaux dans les vaccins humains. Un exemple actuel est l’utilisation de fragments d’un virus du chimpanzé cultivé dans des cellules de canard pour fabriquer un vaccin contre la maladie Ebola. Ce nouveau vaccin a déjà été administré à des volontaires sains dans le cadre des premiers essais cliniques au Royaume-Uni et au Sénégal. Des réponses immunitaires différentes ont été constatées d’une population à l’autre, sans que les causes en soient clairement déterminées. Pourtant, la méthode présente du “potentiel pour une production à très grande échelle avec un faible coût des matières premières”, selon les auteurs de l’étude1.

D’autres exemples nous viennent d’un passé pas si lointain. Certains des premiers vaccins antipoliomyélitiques administrés à des millions de personnes entre 1955 et 1963 étaient contaminés par le virus simien 40 (SV40). Cette contamination était due, vraisemblablement, aux cellules rénales de singes utilisées pour fabriquer le vaccin. Le SV40 est le virus le plus cancérigène connu de la science et serait responsable de la prolifération de certaines formes rares de cancer chez l’homme2.

En 2000, un autre vaccin contre la polio, fabriqué à partir de sérum de veau fœtal a été retiré du marché suite à un tollé général au Royaume-Uni quand il a été découvert que les veaux en question étaient britanniques, et cela peu après la crise de la vache folle. Des millions de nourrissons humains avaient déjà été vaccinés…3

La thérapie génique, technique utilisant elle aussi des virus introduits délibérément dans l’organisme humain, nous fournit d’autres exemples du danger de ces manipulations. En septembre 1999, Jesse Gelsinger décédait après une procédure de thérapie génique, des suites d’une réaction immunitaire foudroyante provoquée par le virus utilisé pour introduire le gène salvateur dans l’organisme du patient4. En 2003, plusieurs cas de leucémie étaient constatés chez des “enfants bulle” (nés avec un système immunitaire déficient) également traités par thérapie génique5.

Saurons-nous tirer des leçons des erreurs passées ? La pandémie de COVID-19 est un signal d’alarme à toute la société pour qu’elle cesse d’utiliser des virus, des cellules et des tissus d’origine animale pour fabriquer des vaccins destinés à l’homme. C’est aussi l’occasion d’abandonner le « modèle animal », une méthodologie systématisée au cours du XIXe siècle. Déjà, entre individus humains, existent des différences importantes en termes de sensibilité au COVID-19, alors que peut-on attendre d’expériences sur des souris, furets ou singes ?
La rigueur scientifique commanderait plutôt d’utiliser les technologies modernes et éprouvées. Par exemple, « MIMIC » (Modular IMmune In vitro Construct) est un modèle in vitro du système immunitaire humain6. Mais pour être acceptées au niveau réglementaire, les technologies in vitro avancées (comme le MIMIC, les « organes sur puce » et autres) doivent, selon les normes actuelles, viser un taux de prédiction de 85 à 90% (c’est-à-dire, prédire la réaction d’un sujet humain dans 8 ou 9 cas sur 10). Or, bien que les tests sur les animaux soient encore imposés par ces mêmes réglementations avant les essais cliniques sur les humains, ceux-ci échouent de façon spectaculaire : 9 des 10 médicaments qui semblent sûrs et efficaces dans les tests sur les animaux échouent par la suite dans les essais sur les humains, précisément en raison d’un manque de sécurité ou d’efficacité, selon la haute autorité de sécurité sanitaire aux Etats-Unis (la Food and Drug Administration)7.

Une stratégie basée sur une batterie de tests in vitro utilisant du matériel humain serait bien plus pertinente que la poursuite des tests sur les animaux. Il est temps de relever la barre de la recherche biomédicale actuelle si nous voulons préserver notre santé face aux maladies émergentes du XXIè siècle. Peut-être que la pandémie de COVID-19 nous aidera à remettre en question certaines de nos pratiques scientifiques irresponsables ainsi que les réglementations obsolètes qui les imposent encore.

André Menache
dans l’Humanité du 15 avril 2020

  1. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6452431/
  2. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10472327
  3. https://www.la-croix.com/Archives/2000 – 10-24/La-Grande-Bretagne-retire-du-marche-un-vaccin-anti-polio-_NP_-2000 – 10-24 – 119460
  4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jesse_Gelsinger
  5. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14564000
  6. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19807200
  7. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4594046/