La nature malade de nos médicaments.


13 mars 2014

Rendez-vous avec le Docteur vétérinaire J.C Jestin qui s’intéresse à la qualité de notre eau, élément si fragile qui sera probablement la plus grande source de conflits dans les années à venir.
Une eau dans laquelle nous retrouvons les molécules chimiques de nos traitements.
Une eau malade de nos médicaments…

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Qu’est ce que l’impact environnemental d’un médicament ?
Un médicament est une substance à usage thérapeutique curatif ou préventif. Il agit sur le métabolisme des organismes vivants, donc pas seulement humains… Ses effets découlent de la substance active ou activée dans les tissus, et de ses métabolites. Après son élimination fécale, urinaire, salivaire, cutanée, etc. le médicament ou ses métabolites continuent donc logiquement à agir sur d’autres organismes, microorganismes compris.

L’impact environnemental d’un médicament est donc de type biologique (écologique). On pourrait parler de terrorisme écologique (biologique), plus ou moins (in)volontaire.

Comment le quantifier ?
De même que le tissu conjonctif fait partie de nous, nous sommes partie intégrante du méta organisme que nous surnommons « l’environnement ». Nous occultons ce point de vue pour ne pas admettre d’être l’élément perturbateur du système et prendre les mesures d’autorégulation (de sagesse) qui s’imposent.

De ce point de vue, on quantifie (ou on doit quantifier) l’impact du médicament sur l’environnement de la même façon qu’on étudie le métabolisme d’un médicament dans n’importe quel organisme vivant :

- Voies « d’administrations » (en l’occurrence contamination) : orales, locales ou parentérales,
 — modalités de diffusions, de concentration et d’action dans les fluides transporteurs (l’eau) et les tissus,
 — processus de traitements (transformations en métabolites inactifs ou actifs) et d’éliminations, et bien évidemment,
 — processus de recyclages…

… En somme, il s’agit d’étudier le métabolisme et les effets de tout ce que nous produisons comme déchets sur le méta organisme dont nous ne sommes qu’un élément constitutif.

La première chose à faire est de dresser le catalogue de toutes les substances utilisées, dont les médicaments, et de leurs métabolites, et d’en conclure leur présence dans nos rejets.

En France, 3000 médicaments indésirables sont retrouvés dans la nature. Rien ne se perd, tout se transforme : il suffit de faire le tour de toutes les usines de fabrication occidentales et orientales pour en estimer la quantité larguée in fine dans les océans.
Notons que les pesticides sont des médicaments xénobiotiques au sens large du terme, à action neurotrope : Ils sont utilisés par voie externe sur les animaux domestiques et par voie interne, puisqu’ils sont ingérés in fine par l’homme.
Notons également que certains polluants (exemples : BPA, PCB, Phtalates…) ont des effets hormone-like, et sont donc des « médicaments-like ».

A‑t-on évalué les effets des résidus de vaccins à virus vivants dans l’environnement ? Le premier élément de transport du médicament est notre fluide, lequel est le même que celui du méta organisme Planète Terre : l’eau.

C’est une évidence qu’on ignore singulièrement : L’eau est le premier aliment, mais on en fait la première décharge. C’est la même eau qui baigne la vie depuis les origines : De la source à la mer, l’eau passera forcément par notre corps et celui de nos enfants. Et tout ce qui passe par l’eau passera par le sang de toutes les créatures, et vice-et-versa.

Mentionner de telles données est-il obligatoire pour les industriels ?
Le laboratoire mentionne les données légales dans le mode d’emploi exhaustif du médicament. Il précise entre autres le métabolisme et les « effets indésirables » sur l’organisme objet de la prescription.

Pour les animaux destinés à la consommation humaine, il doit préciser le temps d’attente nécessaire à la disparition des résidus médicamenteux dans l’organisme destiné à la consommation humaine.

Si ces résidus médicamenteux sont officiellement écartés de notre consommation, ils diffusent de toutes manières dans la nature et reviennent de toutes manières dans l’assiette ou le verre après un tour de manège…

Pourquoi et comment les cacher ?
Comment ? En France, les articles L124‑1, L125‑1 et suivants du code de l’environnement précisent les modalités de diffusion de l’information, mais dans les faits, ces articles ne sont pas appliqués.

Ce n’est pas seulement qu’on le cache, mais on ne dit pas, et surtout on ment : Les médias censurent et les corporations font obstacle à l’information. Les associations compétentes et indépendantes sont marginalisées et écartées des groupes décisionnaires ; IFREMER refuse de livrer ses résultats d’analyses environnementales en prétextant qu’elles sont réservées à l’administration ; BAYER fait de la rétention d’information sur l’ATRAZINE, etc.

Pour exemples, nous avions publié des analyses d’eau édifiantes réalisées en estuaire et avons reçu des menaces de la corporation ostréicole… En dépit de nos sollicitations et pour cause de compétence, les mairies locales ne souhaitent pas nous intégrer aux comités de consultation pour le recensement des zones humides… Nos articles sont immanquablement censurés par la presse locale… etc.

J’ai fait un séjour dans une boite de distribution de médicaments en Asie. À Ho Chi Minh, on achète les médicaments et les antibios au kg dans la rue. Les modes d’emplois sont en anglais et on les balance au petit bonheur dans les petits élevages de poissons du Tonlé Sap ou dans des élevages chinois ou thaïlandais gigantesques. Ça ne dérange pas la conscience des politiques et des importateurs de nous servir ça en France. Et qui sait que l’Ouganda continue à exporter la Perche du Nil pêchée à l’arme chimique dans le lac Victoria ?
… Ce n’est pas mieux en France : les coopératives dirigées par des affairistes et des lobbyistes recrutent des vétérinaires salariés pour court-circuiter la prescription libérale et avoir plus de marge de manœuvre dans l’usage des antibiotiques, et quand un lot de denrées consommables est impropre à la consommation pour cause de résidus médicamenteux, on le passe dans un « grand mélange » (lait, viande de cheval, etc.) pour passer le seuil des normes autorisées, et bizarrement la doxycycline quant à elle, n’est pas recherchée chez nous, mais les Russes la retrouvent dans les denrées importées de France…

Le catalogue est sans fin. Et tous les circuits et toutes les vannes mènent à l’eau !

On n’est donc pas ou peu informé, voire même trompé : Pour mieux « passer », les projets « écocidaires » sont qualifiés d’intérêt général, voire d’intérêt public !

On crée une Commission d’enquête au sénat en 2011 pour canaliser le scandale de la pollution médicamenteuse, et dans le même temps on élargit la liste des médicaments dérogataires, et les ventes de médicaments sur Internet explosent…

En somme la distribution du médicament est dérégulée, démoralisée et corrompue par les affairistes. C’est donc à eux qu’il faut demander Pourquoi…

Et il faut donc aller chercher l’info pour se faire une opinion. Pour cela le web est une bonne alternative.

D’un autre côté, Monsieur Lambda ne veut pas savoir, parce que c’est plus facile de se résigner que de se positionner, parce qu’il y a aussi plein de tous petits intérêts à court terme, sinon on ne verrait personne s’acharner à coup de RAID sur les fourmis, balancer du Roundup dans son jardin ou ses déchets derrière une haie, vidanger sa voiture dans les chemins creux et acheter des aliments farcis d’antibiotiques et blindés de pesticides parce que c’est moins cher…

On occulte l’impact sur l’environnement tant que ça ne porte pas préjudice à une économie qui externalise les couts au profit d’une minorité et aux dépens de tous. C’est une affaire d’argent, d’intérêts particuliers, et de conscience collective.

Quels sont les risques de la présence des molécules médicamenteuses dans l’environnement ?
Nous sommes à un virage dangereux : Il faut parler de risque pour toutes les créatures, animales et végétales, lesquelles sont interdépendantes.

Ce sont les mêmes risques que pour l’humain, mais aggravés de manière exponentielle. On expédie cent mille molécules à des organismes étrangers qui n’ont rien demandé et à qui cela porte préjudices. Comme les effets de cent mille boomerangs lancés dans la nature : on atteint tout ce qui est vivant, et on reçoit tout dans la figure à la fin. Ce sont les jeunes les plus exposés, mais ça n’arrive qu’aux autres…

Nous émettons des signaux nocifs au sein d’un organisme complexe. On ne souhaite pas se demander comment cet organisme va réagir, mais sûrement pas au bénéfice de l’humanité. Et nous n’en sommes qu’au début…

A quel niveau retrouve-on la pilule ou les anticancéreux dans l’environnement ?
Je ne vais pas rabâcher ce qui est connu. Ce qu’il faut retenir, c’est que
1 on les retrouve partout,
2 à des niveaux « actifs » ; hormones et anticancéreux sont toxiques à micro doses (en dessous du nano gramme). Le principe “d’innocuité des faibles doses” et de son “rôle protecteur”(supposé) de la santé publique, est une mystification scientifique colportée par les lobbyistes.
3 on les retrouve dans notre eau, jusqu’aux sources, et même l’eau en bouteille ! Les concentrations dans l’environnement vont donc aller en s’aggravant, au mieux les demi-vies de disparition dans l’environnement seront très longues.

Il faut aussi parler de la propagation inquiétante de l’antibiorésistance à la faune domestique et sauvage, terrestre, aérienne et marine.

De même, on ne peut écarter toute la flore microbienne fécale et urinaire larguée dans l’environnement et dont il faudrait appréhender l’association synergique avec les résidus de médicaments.

De manière générale, aucun médicament rejeté dans l’environnement n’est sans innocuité, que l’on en connaisse les mécanismes, les effets boomerang sur l’homme, ou pas encore.

Quelles sont les initiatives allant dans le bon sens ?
Tout ce qui va dans le sens de la protection et la restauration des sources et zones humides, et de l’épuration individuelle.

Tout ce qui va dans le sens du respect de la loi et de son renforcement.

Tout ce qui relève du bon sens, de la prise de conscience et du respect de l’environnement et de la vie, tant au plan collectif qu’individuel. C’est une société absurde qui d’un côté abolit la peine de mort, et de l’autre peut s’exercer à autant de cruauté et de barbarie envers la vie en général et les animaux en particulier.

Que préconisez-vous ?
Réviser le principe du tout-à‑l’égout (« Assainissement Collectif ») en zone rurale, qui est une aberration sanitaire, et qui n’est d’ailleurs qu’un prétexte pour urbaniser les dernières zones vitales, et au bout du compte atteindre plus vite le point de non retour.

Restaurer un maximum de zones humides à toutes les échelles, de façon à ralentir au maximum le parcours de l’eau vers l’océan et optimiser son épuration sanitaire.

« Remembrer » au sens littéral : Restaurer les talus, bocages, parcelles, chemins creux à dimensions « écologiques ».

Cesser le gaspillage de l’eau, des aliments, des ressources naturelles.

Encourager la restauration et le retour à l’usage des puits, pompes, lavoirs et sources au niveau local, la (re)prise en main de leurs salubrités au niveau local, et par là la prise de conscience au niveau local.

Impliquer aussi la population par la diffusion obligatoire des informations environnementales. Améliorer, voire obliger à, la diffusion des informations vers le public et le faire participer aux décisions en matière d’environnement.

Ensuite,
Economiser les médicaments, revaloriser les prescriptions médicales, limiter l’automédication, éduquer et responsabiliser les gens…
Encourager la phytothérapie (remise en question par les lobbies) au lieu de l’automédication chimique.
Pollueur Payeur : Taxe environnementale sur les médicaments, notamment ceux sans prescription. Taxe environnementale sur les productions végétales et animales « industrielles »…
Encourager les préservatifs et le stérilet.
Vivre plus sainement et sobrement. Notre société se gave de trop d’animaux traités et intoxiqués, et nourris au soja traité et transgénique, de stimulants, d’antibiotiques, de bouffe et de psychotropes.
Endiguer l’élevage et la culture intensive au profit d’un retour à l’élevage « intégré » à dimension humaine.

Stopper l’urbanisation et la croissance démographique ! Je plaisantais…

Ces préconisations non exhaustives sont en grande partie illusoires : Cette pollution est mondiale, tout autant que la mauvaise foi politique.

Le « Remembrement » (que l’on doit requalifier « Démembrement ») orchestré au niveau mondial dès les années 50 a été le coup d’envoi vers la catastrophe (n’ayons pas peur des mots), et non seulement ses effets se font clairement sentir, mais sa politique se renforce : Les déboisements, bétonnages, bitumages, urbanisation, comblements et drainages de sources et zones humides sont permanents, quoi que chantent les sirènes médiatiques. La loi n’est pas respectée, pas appliquée, ou détournée, les décisions politiques sont « influencées » d’abord par les lobbies…

Ce que je dis relève d’un constat sur les bassins versants environnants, représentatif de ce qui se passe au niveau national et mondial.

Maintenant, il faut considérer la planète comme un organisme avec sa conscience et ses organes, en particulier les reins, organes épurateurs, matérialisés par les zones humides.

Imaginons une puissance (malade) qui cherche à ce que cet organisme augmente ses performances au point d’impacter ses organes vitaux, et elle imagine que développer un système de reins artificiels soit la solution de compensation au déficit infligé à l’épuration naturelle…

Le système du « tout à l’égout » est donc ce rein artificiel.

Qui peut imaginer qu’un rein artificiel compense un vrai rein ? Allez demander ça à ceux qui sont sous dialyse !

On a recours à la dialyse lorsque l’individu est en insuffisance rénale, c’est-à-dire que les reins sont détruits à 75% et que les 25% fonctionnels n’arrivent plus à compenser le travail de l’ensemble. Or, 85% des zones humides ont été détruites en 50 ans par le remembrement et l’urbanisation : Comme pour n’importe quel organisme, l’environnement est en insuffisance d’épuration biologique depuis qu’on a passé la barre des 75%.

Chez un individu, les premiers signes d’insuffisance rénale sont appréciés en regard des taux de phosphore, créatinine, urée. Il en est de même au niveau environnemental : Les concentrations de nitrates, nitrites, phosphates augmentent. Ces témoins de troubles de l’épuration reflètent une accumulation de nombreux toxiques dans l’organisme, dont les médicaments…

On ne peut donc résoudre le problème de l’accumulation des médicaments dans l’environnement seulement en agissant sur le seul registre des médicaments : il faut agir aussi et d’abord sur les émonctoires naturels.

La destruction des zones humides doit être stoppée net, et non « compensée » dans les conditions légales, car là aussi la triche est de règle. Il faut restaurer tout ce qui est encore possible comme autant de néphrons environnementaux.

L’homme, pris d’hystérie collective, détourne tout à son profit au détriment de tout le système. C’est la logique même du cancer, ou du parasite. C’est tout notre système de société qui doit être remis en question.

Cette société est manipulée par des lobbies bien organisés ; tout doit rapporter, même les catastrophes.

La solution est donc d’ordre moral. Dans ces conditions, il n’y a que deux alternatives : soit le cercle vicieux actuel, soit un cercle vertueux à venir : le monde à l’endroit ! …

Dr JC Jestin, EVA (Eaux Vivantes d’Armor)

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http://www.messagedislande.org/archives/category/dossiers/page/2

*xenobiotique : substance présente dans un organisme vivant mais qui lui est étrangère.
*neurotrope : Substance ou élément se fixant préférentiellement sur le système nerveux. Ainsi, un virus neurotrope est un virus qui s’attaque en particulier au système nerveux et se multiplie par exemple dans les neurones

Propos recueillis par Arnaud Gavard pour notre bulletin Sciences, Enjeux, Santé n°70 Septembre 2013.

Note de l’auteur : Mes réponses ne sont pas celles d’un spécialiste, mais d’un vétérinaire et président d’association de protection de l’environnement, elles sont basées sur mes connaissances professionnelles et sur des enquêtes minutieuses sur le terrain.

Illustration : photo JC Jestin