Les méthodes substitutives

Les méthodes substitutives

Les méthodes substitutives, alternatives au modèle traditionnel animal, sont utilisées dans les domaines de la recherche biomédicale et de l’évaluation des risques des substances chimiques.

Centrées sur des données humaines, ces méthodes offrent des modèles physiologiquement et cliniquement plus proches de l’humain.

Aujourd’hui, l’acronyme NAM (New Approach Methodologies) regroupe ces nouvelles approches et technologies in vitro, in silico, in chemico, in omic, ex vivo.

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Méthodes et technologies non-animales

Méthodes in vitro 3D

Recherche clinique et appliquée, tests toxicologiques
Cellules souches, Organes et Organoïdes sur puce

In vitro signifie dans le verre. Les réactions se font en dehors de l'organisme. Le but est de se concentrer principalement sur la réaction en elle-même.

Les modèles in vitro 3D avancés sont de plus en plus utilisées tout au long du processus de développement de médicaments ; lors des étapes de screening (technique d’identification de composés chimiques), mais aussi pour l'optimisation des traitements.

Les systèmes in vitro 3D permettent d'étudier le mécanisme d'action d'une substance chimique et d'utiliser des cellules humaines, permettant ainsi la production de modèles plus pertinents pour l'homme.

Les Systèmes Microphysiologiques : organoïdes et organes-sur-puce

Les organoïdes et les organes sur puce sont des systèmes microphysiologiques permettant de reproduire l'architecture et la fonction des organes, ainsi que différentes fonctions du corps humain.

Organes-sur-puce (OoC)

Les OoC sont de petits dispositifs, de la taille d'une clé USB, optiquement transparents, généralement fabriqués à partir d'un matériau flexible en caoutchouc de silicone. Ces dispositifs sont dotés de minuscules microcanaux par lesquels circulent les fluides, d'où le nom de « microfluidique ». Ainsi, des structures à l'échelle de l'organe peuvent être créées en interfaçant deux types de tissus différents à travers la membrane.

En savoir plus avec l'interview du professeur Donald Ingber, pionnier de la technologie OoC, Institut Wyss, Université Harvard

La technologie OoC vise à imiter les fonctions d'un organe et leurs interactions, en conditions physiologiques ou pathologiques, par des stimulations biomécaniques contrôlées. Grâce aux OoC, il est possible d'étudier la propagation d'un pathogène ou de tester l'effet d'un médicament dans un ou plusieurs organes interconnectés cultivés en laboratoire, grâce à des puces multi-organes.

Organoïdes

Les organoïdes sont des structures 3D dérivées de cellules souches pluripotentes ou multipotentes1, des cellules progénitrices qui s'auto-renouvellent et s'auto-organisent grâce aux interactions cellule-cellule et cellule-matrice, reproduisant in vitro certains aspects architecturaux et fonctionnels des tissus natifs.

Les organoïdes imitent l'architecture et la fonction de l'organe dans son ensemble.

Les avancées technologiques ont permis de programmer les cellules souches adultes. Elles peuvent donner naissance à tous les types de cellules de l'organisme. Elles sont pluripotentes et appelées cellules souches pluripotentes induites (iPSC). Grâce à leurs propriétés, ces cellules peuvent être utilisées pour régénérer ou recréer des tissus détruits ou endommagés. Les cellules souches sont utilisées pour concevoir des organes et des organoïdes-sur-puce.

Quelques applications concrètes

Des tumeurs-sur-puce pour étudier le glioblastome

Le projet 3D glimpse vise à créer une tumeur sur puce afin de mieux comprendre et traiter le glioblastome, un cancer très agressif avec une survie moyenne d’un an après diagnostic. Dans cette puce, on va chercher à représenter le micro-environnement tumoral via l'utilisation de différents types de cellules humaines s'organisant en 3D afin de former des micro-vaisseaux. Ceux-ci seront perfusés pour mimer le flux sanguin afin d’étudier le transport et l’efficacité de nouveaux nano-médicaments.

Le foie-sur-puce pour analyser la toxicité des molécules à visée thérapeutique

Le projet MimLiveronChip est une plateforme biomimétique de Foie sur puce. Développé pour recréer l’analyse du métabolisme du foie et de la toxicité des xénobiotiques. MimLiveronChip cherche plus particulièrement à explorer les effets du microenvironnement mécanique ou biochimique influençant l’ouverture de la monocouche du foie, afin de pouvoir la générer ou au contraire de l’altérer.

La thérapie cellulaire

La thérapie cellulaire consiste à utiliser des iPSC (cellules souches pluripotentes induites) ou des cellules multipotentes provenant du patient ou d’un donneur pour greffer des cellules afin de restaurer la fonction d’un tissu ou d’un organe. L’objectif est de soigner durablement le patient grâce à une injection unique de cellules thérapeutiques. La thérapie cellulaire peut également être utilisée dans la fabrication notamment des organoïdes.

Intelligence organoïde

L'intelligence organoïde (IO pour Organoid Intelligence) est un nouveau domaine de recherche en informatique biologique. Défini en 2023 par le professeur Thomas Hartung et ses équipes (Johns Hopkins University), l'IO vise à développer une nouvelle forme d'ordinateur, ou « bio-ordinateur », utilisant des cultures 3D de cellules cérébrales humaines (ou organoïdes cérébraux) et des technologies d'interface cerveau-machine.

L'IO cherche à utiliser des organoïdes cérébraux cultivés en laboratoire comme « matériel biologique ». Les scientifiques espèrent que ces organoïdes pourront fournir une puissance de calcul plus rapide, plus efficace et plus puissante que les calculs et l'IA classiques basés sur le silicium, tout en ne nécessitant qu'une fraction de l'énergie nécessaire.

L'OI est également considérée comme une nouvelle frontière pour la bio-informatique et la découverte de médicaments biopharmaceutiques.

Méthodes In Omic

Tests toxicologiques, recherche clinique et fondamentale
Génomique, toxicogénomique…

La terminologie « in omic » ou « omics » distingue plus précisément les différents niveaux cellulaires d’analyse.

Les méthodes dites in omic sont des outils prédictifs qui étudient la composition protéique des cellules et leur activité via l’apparition d'événements physiologiques, pharmacologiques ou toxicologiques.

Ayant des fonctions diverses dans la cellule, les protéines comportent beaucoup d'informations sur l’état de la cellule. Elles sont en effet des éléments essentiels de l’organisme qui déterminent la manière dont le métabolisme se déroule et quels produits sont synthétisés, décomposés ou dégradés. La survenue d’un événement physiologique, pharmacologique ou toxicologique va venir modifier cette composition protéique et donc la fonction de la cellule.

A partir des données issues de ces analyses in omic et la comparaison avec des profils témoins ou des caractéristiques connues, ces méthodes participent à assurer la sécurité du patient lors des études cliniques ou de la mise sur le marché de médicament en apportant une meilleure prédictibilité et détection des effets indésirables pouvant être observés chez l’humain.

Les méthodes in omic représentent quatre grands niveaux d’analyse :

Génomique

La génomique analyse le génome (l’ensemble du matériel génétique d’un individu ou d’une espèce) en cherchant les gènes altérés ou les activités anormales des protéines au sein d’un organisme entier ou d’un organe.

Portée par les avancées de la médecine de précision, la génomique est particulièrement intéressante dans l’étude des cancers. Elle peut donner des indications précieuses sur la cancérisation d’une cellule saine.

Par la connaissance du génome des individus, la génomique contribue à l’élaboration d’une nouvelle forme de médecine préventive personnalisée.

Transcriptogénomique ou toxicogénomique

La transcriptogénomique (ou toxicogénomique) étudie les modifications de l’expression des gènes, de sa transcription en protéine ARNm, en réponse à l’exposition d’une substance chimique. Pour rappel, un gène est un morceau d’ADN qui stocke toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement des organes et de l’organisme et qui est transcrit ensuite en ARNm (ARN messager).

Née de la fusion de la génomique et de la toxicologie, la toxicogénomique étudie les modifications de l’expression des gènes en réponse à une substance chimique. La transcriptogénomique vise donc à répertorier, classifier et gérer les effets nuisibles et toxiques latents et initiaux de l’exposition de l’organisme à des substances.

Protéomique

La protéomique consiste à analyser l’ensemble des protéines d’un organisme, d’un fluide biologique, d’un tissu, d’une cellule ou même d’un compartiment cellulaire (aussi appelé protéome) de manière quantitative ou qualitative. La protéomique est souvent utilisée en complément de la transcriptomique.

Métabolomique ou Métabonomique

La métabolomique mesure l’ensemble des métabolites (petites molécules) au sein d’un organe, un tissu, un cellule ou d’un organite, qu’ils soient issus de l’organisme ou de l’environnement extérieur.

Quelques applications concrètes

La combinaison des méthodes in omic avec les organoïdes pour dépister le développement des troubles du spectre autistique

Les chercheurs de l’Institut de Biotechnologie Moléculaire (IMBA) d'Autriche et l’école polytechnique fédérale de Zurich (ETH) ont eu l’idée de créer un organoïde du cerveau afin de dépister de manière précoce le développement des troubles autistique. Les chercheurs utilisent la génomique en analysant plus particulièrement le génome (l’ensemble du matériel génétique d’un individu ou d’une espèce) en cherchant les 36 gènes identifiés aux troubles autistiques pour observer les altérations et ou l'activité protéique au sein de l’organoïde de cerveau en fonction des différents gènes exprimés.

Le système s’appelle CRISPR-Human Organoïds-Single-Cell RNA (CHOOSE) et permet de visualiser les gènes impliqués dans le spectre autistique sur la base de 36 gènes différents identifiés.

Crédit: IMBA

Méthodes In Silico

Recherche clinique, appliquée et fondamentale
Bio-impression 3D et 4D, modélisation bio-informatique…

Le mot silico est un dérivé du mot silicium, un composant de base des ordinateurs. Les méthodes in silico permettent de prédire des propriétés physico-chimiques et écotoxicologiques d’une substance à partir de modèles biomathématiques. Ces simulations apportent un modèle additionnel aux autres méthodes et constituent un nouveau type de preuves scientifiques.

Le modèle de simulation peut être employé au cours de la phase initiale du processus de développement des médicaments, pour tester toute hypothèse et modifier le produit afin d'optimiser son fonctionnement ou d’estimer la probabilité qu'un agent donné ait effectivement les vertus d'un médicament, avant même que la première molécule ne soit produite.

Différentes catégories de technologies in silico sont utilisées pour mener des recherches, les évaluations de sécurité des risques et des essais cliniques : modélisation et simulation informatiques, intelligence artificielle (deep learning, machine learning)

Bio-impression 3D et 4D

La bio-impression 3D utilise un modèle numérique afin d'assembler et d'organiser des constituants de tissus biologiques pour produire artificiellement des greffons ou des modèles physiologiques ayant les mêmes propriétés que les tissus naturels. Elles sont créées couche par couche. En 4D, on va chercher à faire évoluer dans le temps le tissu imprimé.

QSAR

Les modèles de relation quantitative structure-activité (QSAR) sont des modèles de régression ou de classification utilisés en sciences chimiques et biologiques, ainsi qu'en ingénierie. La classification des modèles QSAR relie les variables prédictives à une valeur catégorielle de la variable réponse.

La modélisation QSAR produit des modèles prédictifs dérivés de l'application d'outils statistiques corrélant l'activité biologique (y compris l'effet thérapeutique souhaité et les effets secondaires indésirables) ou les propriétés physico-chimiques des modèles QSPR de produits chimiques (médicaments, substances toxiques, polluants environnementaux) avec des descripteurs représentatifs de la structure ou des propriétés moléculaires. Les QSAR sont utilisés dans de nombreuses disciplines, par exemple : l'évaluation des risques, la prédiction de la toxicité et les décisions réglementaires, ainsi que la découverte de médicaments et l'optimisation des pistes de développement.

Intelligence artificielle

Au cours de la dernière décennie, le domaine de l'IA a connu des progrès considérables, avec des avancées majeures dans l'apprentissage automatique, les réseaux neuronaux, l'apprentissage profond, l'IA générative et d'autres réseaux.

Le potentiel d'application des techniques d'IA pour accélérer et améliorer la découverte de médicaments suscite un intérêt croissant de la part de l'industrie pharmaceutique, des entreprises technologiques et des investisseurs.

L'IA offre également le potentiel d'améliorer l'évaluation des risques chimiques (CRA pour Chemical Risk Assessment), qui repose sur l'intégration de différents types d'informations provenant de sources diverses et qui s'accompagne d'un volume de plus en plus important d'informations, notamment des dossiers réglementaires, des rapports d'études, de la littérature scientifique et des décisions réglementaires associées.

* L'évaluation des risques chimiques comporte quatre éléments : l'identification des dangers, la caractérisation des dangers, l'évaluation de l'exposition et, enfin, la caractérisation des risques.

Quelques applications concrètes

L’aide de la bio-impression 3D pour le traitement le cancer du sein

Le projetSeno-Printcherche à améliorer la reconstruction mammaire en développant une bio impression 3D de prothèses biologiques personnalisées. Ces prothèses bio-imprimées devraient s’adapter à la physiologie naturelle du sein, avec l’objectif de limiter le nombre d’interventions supplémentaires relatives à l’entretien et la durabilité de la prothèse.

Simulation de maladies cardiaques

L ’analyse computationnelle permet d'étudier les propriétés physiques de la circulation sanguine dans le système cardiovasculaire via une approche de dynamique des fluides tout en s'adaptant aux nombreuses et différentes pathologies cardiaques. Il est aussi possible de simuler le mouvement des muscles du myocarde. Cette approche permet de prédire les résultats cliniques et d'aider à sa conception, d'étayer les preuves d'efficacité, d'identifier les patients les plus pertinents à étudier et prédire la sécurité des produits.

La simulation de mécanismes neurologiques pour mieux guider la chirurgie de l’épilepsie

Le projetEpinova pour objectif à la fois de mieux analyser le bilan préchirurgical des épilepsies résistantes aux médicaments, et de mieux guider les stratégies chirurgicales. Pour se faire, Epinovrepose sur une technologie de simulation cérébrale neuro-informatique. Le but est de créer un cerveau virtuel afin de décrypter les crises et améliorer la chirurgie de l’épilepsie en reproduisant les anomalies qui engendrent les crises d’épilepsie et en fournissant aux soignants un modèle de la zone épileptogène du patient.

Crédit: BodyInteract

Méthodes d’Apprentissage

Formation clinique et chirurgicale, humaine et vétérinaire
Les tables et interfaces de simulation virtuelle, Les modèles synthétiques humains et animaux

L'évolution technologique au sein de l'éducation donne lieu progressivement à de nouvelles pratiques et méthodes de formation par le biais de dispositifs de simulation destinés tant aux étudiants en médecine humaine que vétérinaire.

En effet, la formation médicale et la formation chirurgicale en particulier sont basées sur l'apprentissage de la théorie et la mise en pratique, dans certains cas sur l’animal, particulièrement le cochon en chirurgie, avant d’être poursuivie par l’expérience clinique acquise via le contact direct des étudiants avec les patients.

En France en 2016, 34 000 animaux ont été tués à des fins éducatives. La même année, les universités et centres de formation britanniques n’ont utilisé que 1 422 animaux. En France, le nombre d’animaux utilisés pour l’enseignement et la formation a augmenté de 31 % depuis 2010.

Les tables et interfaces de simulation virtuelle

Les simulateurs et interfaces virtuels sont utilisés dans le processus d’enseignement de différentes matières cliniques telles que la neurologie, la cardiologie, l’obstétrique, la pédiatrie, les maladies infectieuses, etc.

Les interfaces virtuelles au rendu hyper réaliste sont obtenues grâce à des données issues de l’imagerie médicale fusionnées avec des données anatomiques. Elles offrent une véritable bibliothèque anatomique numérique 3D, ces dispositifs sont enrichis par des collections de scanners cliniques et des centaines de scénarios afin d’appréhender la complexité de cas réels dans une grande variété d’environnements.

Ces patients virtuels atteints de symptômes évoluant dans le temps basé sur des algorithmes physiologiques, fournissent des expériences de simulation immersive pertinentes représentant un environnement sûr et interactif pour le développement du raisonnement clinique et des compétences décisionnelles, tel que le propose le dispositif BodyInteract.

Les modèles synthétiques humains et animaux

Les modèles synthétiques reproduisent l'anatomie humaine et animale de manière très précise, y compris les muscles, les tendons, les veines, les artères, les nerfs et les organes individuels. Fabriqués à partir de composites complexes, les modèles produits reproduisent les propriétés mécaniques, physico-chimiques, thermiques, des tissus vivants concernés. Les modèles peuvent saigner et respirer, utilisent des centaines de muscles, d'os, d'organes et de vaisseaux remplaçables.

Les travaux sur cette technologie de modèles synthétiques ont été lancés en 1993 à l'Université de Floride (USA). Les matériaux et modèles développés depuis peuvent remplacer l’utilisation des animaux dans l’étude de dispositifs médicaux, la formation clinique et la simulation chirurgicale, tant dans le domaine humain que vétérinaire, mais aussi dans l'évaluation des produits de consommation et les tests balistiques, comme le propose la société Syndaver.

Dans sa résolution TA(2021)0387 adoptée le 16 septembre 2021, le Parlement européen considère que :

La panoplie de modèles d’expérimentation ne recourant pas aux animaux s’étoffe et montre qu’il est possible d’améliorer notre compréhension des maladies et d’accélérer la découverte de traitements efficaces

Le Parlement évoque par ailleurs des obstacles bureaucratiques qui s’opposent toujours à l’acceptation de ces méthodes, mais aussi des problèmes quant à leur utilisation qui n’est pas correctement imposée et un financement insuffisant pour un développement plus efficace.

D’après le rapport 2021 (Dura, Gribaldo, Deceuninck), « Review of non-animal models in biomedical research — Neurodegenerative Diseases » du Centre Commun de Recherche (CCR ou Joint Research Center) de la Commission européenne :

Une forte dépendance à l’expérimentation animale peut entraver les progrès dans certains domaines de la recherche sur les maladies