Recherche animale : un exemple de sa faible contribution pour un coût important

Recherche animale : un exemple de sa faible contribution pour un coût important


12 décembre 2017

Trouble de l’attention : faible contribution de l’expérimentation animale mais coût financier important.

C’est ce qui ressort de l’analyse de la contribution de l’expérimentation animale dans la recherche en rapport avec le trouble de l’attention. Cette démarche, l’évaluation des projets, permet de tirer des enseignements précieux afin de changer les pratiques de recherches.

Voici le résumé d’une évaluation de l’efficacité de la recherche sur les animaux dans le cadre du déficit de l’attention, parue dans la revue Altex (Volume 33, N° 3 ‑2016 — lire ici l’article).

La recherche animale n’a eu qu’un intérêt limité

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (que l’on nommera dans cet article TDA/H) est un trouble neurodéveloppemental touchant environ 2,2% des enfants dans le monde.

Il se caractérise par une faible attention accordée aux détails, des difficultés d’écoute, d’attention et d’organisation, des comportements hyperactifs, une agitation et un bavardage excessifs.

Cette pathologie handicapante affecte de manière significative les résultats scolaires des enfants et impacte aussi la vie professionnels des adultes, ainsi que les liens sociaux et familiaux.

Les causes de ce trouble restent incertaines. Cependant, il est admis qu’il a une origine multifactorielle dont génétique. L’environnement familial et l’exposition à des substances environnementales nocives joueraient aussi un rôle.

Même si le nombre d’études visant à améliorer la compréhension, l’évolution et la guérison de ce trouble a augmenté ces dernières années, il y a un réel manque de connaissances et un besoin urgent d’études plus efficaces. Ce besoin est renforcé par de récentes études suggérant que la prévalence du trouble augmenterait au niveau mondial.

La recherche animale largement utilisée

Le développement de modèles animaux transgéniques a conduit à une hausse exponentielle de l’utilisation animale pour la recherche en neurosciences.

Pour le TDA/H, les animaux sont utilisés pour imiter les comportements et les traits associés au trouble afin de chercher à comprendre les cheminements biochimiques impliqués et in fine des réponses thérapeutiques.

Toutefois, les bénéfices des modèles animaux relèvent de la supposition et n’avaient pas encore été soumis à un examen critique alors que leur utilisation est consommatrice de budgets et gaspille des vies animales. Afin d’éviter ce gâchis, des outils pour évaluer les expérimentations ont vu le jour, représentant une réelle avancée pour la recherche.

Une évaluation systématique de la contribution des modèles animaux aux troubles spécifiquement humains pourrait éviter l’utilisation d’animaux dans certaines études. Pour mener une telle évaluation, une analyse de citations* a été réalisée. Dans d’autres domaines, les analyses de citations ont déjà démontré que les études sur les animaux contribuaient peu aux rapports d’études médicales humaines.

Une méthodologie efficace

La description de la méthodologie utilisée est trop complexe et pourrait rebuter le lecteur. Pour dire les choses le plus simplement possible, disons qu’en utilisant la fonction recherche du site spécialisé Web of Science pour trouver des citations de rapports de recherches sur animaux en lien avec le TDA/H publiées avant 2010 et identifiées dans PubMed (le site des publications médicales) par des termes pertinents, puis en analysant de près les rapports d’études médicales humaines citant ces études sur animaux, les évaluateurs indépendants ont pu constater la faible contribution des recherches animales.

Citons quelques données significatives : seuls cinq articles auraient contribué de manière significative aux avancées médicales. En d’autres termes, à peine 2,3% du total global des rapports de recherche issus d’expérimentations animales pourraient avoir contribué à l’hypothèse d’une étude humaine ultérieure sur le TDA/H.

Les trois essais cliniques ayant cité des rapports de recherche animale n’ont pas utilisé ces études animales pour l’hypothèse.

Sur 38 essais de traitement, à peine quatre ont utilisé des rapports issus de recherche animale pour l’hypothèse.

Résultats

Les résultats suggèrent que les études animales contribuent rarement de façon significative à la compréhension contemporaine du TDA/H. À l’avenir, les comités d’éthique et les organismes de financement devraient prendre cela en considération avant de soutenir l’utilisation de modèles animaux dans la recherche sur le TDA/H.

Le problème mis en avant est que l’expérimentation animale consomme des ressources considérables qui sont de fait indisponibles pour d’autres méthodes de recherche ou pour des stratégies de santé publique.

Une telle évaluation est importante étant donné la consommation de ressources et les problèmes éthiques engendrés par l’utilisation d’animaux. Elle nous indique que la distribution optimale des fonds de recherche n’est clairement pas assurée.

* Afin que le travail d’une équipe de chercheurs puisse être reconnu rien ne vaut une publication dans une grande revue scientifique. Ces publications assurent une reconnaissance aux travaux effectués par les chercheurs et sont parfois reprises dans d’autres articles : on parle alors de citations (voir notre dossier “la course insensée aux publications” paru dans notre n°78).