Dr Clive Roper

Dr Clive Roper


Directeur de Roper Toxicology Consulting Ltd & Vice-Président d'ESTIV

SES 111 — Déc. 2023

À la suite de son doctorat obtenu en 1994 à l’Université de Newcastle et depuis maintenant plus de 25 ans, le Dr Clive Roper est un toxicologue actif, ayant mené des projets sur la pharmacologie de sécurité, le métabolisme des médicaments, l’absorption cutanée ainsi que sur la toxicité cutanée, génétique et respiratoire. Il a développé des modèles qui ont conduit au remplacement direct des animaux pour l’absorption cutanée, la toxicologie cutanée et la toxicologie par inhalation. Conseillant aussi bien les agences que les entreprises du secteur, il fonde en 2021 son cabinet de conseil appelé Roper Toxicology Consulting Limited. L’entreprise se consacre à l’application d’usage, et l’acceptation des nouvelles méthodes d’approche (NAM). En avril 2023, il est nommé vice-président de l’ESTIV (société européenne de toxicologie in vitro ).

Le Dr Clive Roper est membre de la Royal Society of Biology et membre inscrit au registre européen des toxicologues. Il est également membre de la table ronde des consultants en toxicologie, de la Société de toxicologie et de l’American College of Toxicology(ACT). Il siège au conseil d’administration d’industries et d’entreprises de part et d’autre de l’Atlantique, telles que le NC3R du Royaume-Uni, la 3Rs Collaborative des États-Unis et PeptiMatrix (fabricant de composants de milieux de culture respectueux des animaux).

Clive Roper nous partage sa grande expertise sur le développement des expérimentations non animales en matière de besoins scientifiques et réglementaires, mais aussi en matière d’objectifs stratégiques des entreprises.

Comité scientifique Pro Anima : Pour nos lecteurs, pouvez-vous vous présenter ?

Dr Clive Roper : Je suis consultant en toxicologie in vitro . J’ai consacré l’intégralité de ma carrière au sein du secteur in vitro . De 1990 à 1994, j’ai eu le privilège d’effectuer mon doctorat à l’Université de Newcastle grâce à un financement d’Unilever, où j’ai pu y développer des tests sur l’absorption cutanée et sur le métabolisme in vitro . Lors de ma première conférence en 1991, on nous a dit que nous n’aurions pas de tests in vitro réglementairement acceptables de notre vie. J’avais 22 ans à l’époque et cela a été pour moi une grande source de motivation ! Les lignes directrices n°428 de l’OCDE pour les essais et les notes d’orientation n°28 de l’OCDE qui l’accompagne (citant mes articles) ont été adoptées 13 ans plus tard. Mes idées ont été ajoutées dans les notes d’orientation du CSSC (Comité Scientifique Européen pour la Sécurité des Consommateurs) en 2010 et j’ai pu participer au programme de l’EPA (agence de protection de l’environnement des États-Unis) afin d’évaluer l’approche « triple pack » de l’absorption cutanée, qui a abouti à l’acceptation des lignes directrices n°428 de l’OCDE en 2021. Cela a pris 30 ans, mais la voie est désormais libre pour les autres technologies. En 1996, j’ai rejoint l’entreprise Charles River pour diriger le service d’absorption cutanée in vitro. En 2010, j’ai été promu au poste de directeur des sciences in vitro, à la tête des équipes en charge du métabolisme in vitro, de la pharmacologie de sécurité in vitro , de la toxicologie génétique, de la toxicologie in vitro et de la toxicologie respiratoire in vitro, en plus de la direction du service d’absorption cutanée. J’ai participé aux activités de diverses entreprises telles que le groupe de travail mondial sur les 3R (Remplacer, Réduire, Raffiner) et l’évaluation des entreprises d’organes sur puces. En 2021, j’ai quitté Charles River afin de fonder mon propre cabinet de conseil appelé Roper Toxicology Consulting Limited, travaillant de pair avec différentes entreprises sur des projets divers et variés, y compris en tant qu’expert-témoin. J’ai rejoint l’entreprise PeptiMatrix https://www.peptimatrix.com ) en tant que président du conseil d’administration après avoir été le mentor de l’industrie dans le cadre du programme ICURe au Royaume-Uni. Je suis membre du conseil d’administration du 3Rs Collaborative des États-Unis, du NC3R du Royaume-Uni et de l’ESTIV. Je suis un membre fier et actif de la Société de toxicologie, de l’American College of Toxicology, mais aussi de la table ronde des consultants en toxicologie. Je suis également toxicologue inscrit au registre européen, biologiste et scientifique agréé et membre de la Royal Society of Biology. Je fais preuve du même enthousiasme et de la même implication pour ces organisations que pour mes clients.

 

PA : Cette année, vous avez été nommé vice-président d’ESTIV (Société européenne de toxicologie in vitro) Pouvez-vous nous en dire plus à propos d’ESTIV, ses activités et les objectifs que vous aimeriez atteindre au cours de votre mandat ?

Dr C. Roper :ESTIV (https://www.estiv.org) est une société de toxicologie européenne étroitement liée à notre partenaire nord-américain, l’ASCCT (https://www.ascctox.org) et affiliée à notre revue principale, « Toxicology in vitro ». Nos objectifs sont d’augmenter l’utilisation de la toxicologie computationnelle, les systèmes d’essai in vitro sur l’homme ainsi que les méthodes d’essai au sein de la science réglementaire et du milieu académique. Nos membres viennent du monde entier : Europe continentale, Japon, États-Unis, Inde, Canada et travaillent dans le milieu académique, l’industrie, les CRO (organisations de recherche contractuelle), la consultance et les ONG, couvrant les secteurs pharmaceutiques, chimiques, cosmétiques, mais aussi les secteurs de la protection des produits phytosanitaires, des produits ménagers et des produits de consommation. Nous sommes passionnés par notre science et par la sensibilisation de nos membres, ainsi que de l’ensemble de la société au sujet des avantages des modèles hors animaux.

Mon premier objectif est d’augmenter le nombre de membres de l’industrie au sein d’ESTIV. Au cours des trente dernières années, l’industrie pharmaceutique a intensifié ses investissements en matière de recherche et d’évaluation de la sécurité sans pour autant que le taux d’échec clinique ne change. L’industrie pharmaceutique utilise davantage de technologies in vitro humaines afin d’identifier les médicaments sûrs et efficaces à moindre coût et dans des délais moins importants. La transition vers des molécules plus complexes et les nouvelles modalités a accéléré ce phénomène. Ces nouveaux traitements sont très spécifiques à l’homme. La plupart sont des protéines qui se décomposent dans le foie et le sang de l’animal, ce qui n’entraîne aucune toxicité observable. Les animaux ne possèdent pas les récepteurs spécifiques à l’homme et ne suivent pas le même mécanisme d’action. Ainsi, aucune efficacité n’est constatée. Les tests in vitro sur l’homme permettent de résoudre ces problèmes. Les sociétés de protection des produits phytosanitaires se sont engagées à réduire l’utilisation des animaux tout en assurant la santé humaine et animale grâce aux modèles de toxicologie in vitro et aux modèles informatiques qui se sont révélés particulièrement efficaces. Ces sociétés, souvent multinationales, recherchent des innovateurs afin de répondre à leurs questions. Cette association est importante étant donné que les technologies académiques se transforment en petits fournisseurs innovants à la croissance rapide et en recherche de clients.

Mon deuxième objectif est d’apporter plus d’agences réglementaires au sein de l’ESTIV. Les agences réglementaires font souvent l’objet de critiques injustes en raison de leur manque d’acceptation des nouvelles méthodes d’approche (NAM) et des modèles in vitro. Elles doivent comprendre un ensemble varié de méthodes d’essai dans le cadre de l’évaluation de la sécurité. Ces agences voient de nombreux tests utilisant divers modèles d’organes sur puces avec des cellules souches pluripotentes induites (CSPi), des lignées cellulaires ou des cellules primaires. Comment ces agences peuvent-elles comprendre ces méthodes d’essais alors qu’elles sont si différentes et qu’elles sont souvent utilisées pour prédire le même résultat final ? La lésion hépatique médicamenteuse (DILI) en est un bon exemple. Un contexte d’utilisation clair et concis, accompagné d’une qualification appropriée, est nécessaire afin de générer des données qui prouvent la pertinence d’un test. Ces données nous donnent confiance et devraient être transmises aux agences afin qu’elles puissent elles aussi bénéficier de cette confiance. Un grand nombre d’entreprises effectuent une multitude de travaux de dépistage sur des modèles in vitro humains, puis réalisent la batterie standard d’expérimentations animales qui sont ensuite transmises sans les données utilisées lors du processus décisionnel. ESTIV constitue l’endroit idéal pour présenter des technologies dans un environnement éducatif ouvert.

 

PA : En 2021, vous avez créé votre propre entreprise, la Roper Toxicology Consulting Limited. Quels sont vos objectifs et les principales missions de votre entreprise ?

Dr C. Roper :L’objectif de la Roper Toxicology Consulting Limited est d’inciter les entreprises à utiliser les nouvelles méthodes d’approches (NAM) comme procédures par défaut lors des évaluations réglementaires de sécurité et les technologies non animales (NAT) dans le cadre de la recherche et ce, d’ici 2027. Selon moi, la qualité, la robustesse et la prévisibilité des nouvelles méthodes d’approche que nous créons avec nos partenaires, se traduit par des médicaments et des composés chimiques plus sûrs et efficaces dont la valeur qualité-prix est supérieure et les délais plus courts. Cela contribue à l’amélioration de la sécurité des patients, des opérateurs, mais aussi des consommateurs, puisque lestests humains sont plus pertinents que les tests effectués sur les animaux.

 

PA : En étant actif de part et d’autre de l’Atlantique, pouvez-vous nous partager les développements que vous constatez et qui se produisent au sein des agences réglementaires européennes et américaines ?

Dr C. Roper :Je remarque que toutes les agences veulent être ouvertes sur les raisons pour lesquelles elles acceptent ou non les données non animales. Elles souhaitent échanger des idées et en apprendre davantage. L’Europe a toujours eu une longueur d’avance sur les États-Unis en matière de connaissances techniques et de respect de la réglementation. Au cours des 5 à 7 dernières années, cette tendance a évolué et même si les connaissances techniques subsistent en Europe, l’EPA et la FDA (agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux), avec le soutien du Programme national de toxicologie (NIEHS), ont rattrapé leur retard. L’EPA encourage activement les actionnaires à mettre en valeur les nouvelles méthodes d’approche (NAM) pour qu’elles soient plus largement adoptées. La FDA a adopté la loi de modernisation de la FDA. En Europe, l’Agence européenne des médicaments (EMA) encourage ouvertement le dialogue et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a organisé des réunions afin d’établir leur feuille de route vers un paradigme d’expérimentations sans le recours aux animaux.

 

Cela a pris 30 ans, mais la voie est désormais libre pour les autres technologies

 

PA : Lors de notre première discussion, vous avez mentionné le problème rencontré par les agences réglementaires auxquelles les entreprises ne fournissent pas les données obtenues à la suite d’expérimentations non animales. Comment expliquez-vous ce genre de réaction schizophrénique des entreprises à estimer que l’expérimentation de nouvelles méthodes d’approche puisse freiner, voire arrêter, la progression de leurs produits sur le marché, tout en développant et utilisant l’expérimentation non animale pour leurs produits ? Quels leviers d’action identifiez-vous comme les plus pertinents pour surmonter cet obstacle ?

Dr C. Roper :J’ai assisté à de nombreuses conférences au cours desquelles les entités réglementaires ont demandé aux déclarants de transmettre leurs données, tout en entendant les entreprises se plaindre du fait que les autorités réglementaires n’acceptaient pas les tests. Il y a un manque de dialogue entre les agences réglementaires et les déclarants. Les autorités réglementaires doivent comprendre de nombreux domaines scientifiques. Elles désirent se fier aux nouvelles méthodes d’approche ou suggérer des domaines dans lesquels les données supplémentaires pourraient être nécessaires afin de soutenir les nouvelles méthodes d’approche dans leurs transmissions. Le meilleur moyen afin de faire face à ce problème est de leur fournir les rapports de donnés de validation en même temps que la transmission, voire avant d’entamer un programme de tests. Les opportunités de discuter de ce sujet avec les agences sont nombreuses, comme notamment à travers le programme ISTAND de la FDA ou bien le programme Safe Harbor de l’EPA.

Le problème est aggravé par le fait que les déclarants choisissent de ne pas transmettre leurs données in vitro humaines et ce, bien qu’ils aient décidé d’utiliser des données in vitro humaines (de dépistage). La loi américaine sur la modernisation de la FDA a permis à la FDA d’accepter les modèles in vitro complexes, ainsi que la toxicologie computationnelle au même titre que les animaux. Pour atteindre cet objectif, la FDA souhaite disposer de données et d’un contexte d’utilisation clair afin de se fier à une technologie. Un bon exemple d’étude de cas en cours est celle de la lésion hépatique médicamenteuse (DILI), dans laquelle les animaux ne parviennent pas à identifier les médicaments à l’origine de la lésion hépatique médicamenteuse. Cependant, nous avons à disposition un grand nombre de modèles d’organes sur puce utilisés afin de réduire les taux d’échec clinique de la lésion hépatique médicamenteuse.

 

PA : Quelle est votre vision de l’avenir concernant la recherche non animale ?

Dr C. Roper :En un tiers de siècle au sein du secteur de la toxicologie in vitro, les progrès ont été lents. Cependant, les contraintes réglementaires s’assouplissent et la ligne directrice n’est désormais plus politique (comme elle pouvait l’être pour l’industrie cosmétique), mais scientifiquement guidée par la nécessité d’accélérer la mise sur le marché de nouveaux produits et de traiter les patients avec des médicaments sûrs et efficaces. Les modèles informatiques ne sont plus de simples QSAR, mais utilisent le Big Data combiné avec l’apprentissage automatique afin de prédire les résultats humains.

Nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis les simples modèles cellulaires en 2D dans des tubes à essai aux modèles in vitro complexes utilisant des tissus, la co-culture d’organoïdes, des sphéroïdes et des plaques Transwell dans les organes à puce, soutenues par des milieux physiologiques sans utilisation d’animaux, dérivés de produits chimiques et solutions d’ingénierie. Ils sont accompagnés de nouvelles techniques telles que la microscopie de pointe pour décrire les pathologies, ainsi que d’une sélection toujours plus importante de méthodes bioanalytiques pour les biomarqueurs, les produits chimiques et les métabolites.

À l’avenir, nos organes endommagés seront remplacés par des organes bio-imprimés en utilisant nos propres cellules, même si cela ne se produira pas de mon vivant, et les méthodes d’essai in vivo et in vitro seront remplacées par des modèles informatiques.

En savoir plus

Le Dr Clive Roper est diplômé d’un doctorat en absorption cutanée in vitro en 1994 à l’Université de Newcastle, suivi d’un poste de chercheur postdoctorale en nutrition humaine. En 1996, il rejoint l’entreprise Charles River pour développer le service d’absorption cutanée in vitro . En 2010, il est promu au poste de directeur de la toxicologie in vitro , dirigeant les équipes d’absorption cutanée, de toxicologie in vitro réglementaire de routine, de toxicologie génétique, de pharmacologie de sécurité et de toxicologie respiratoire in vitro.

En 2021, Clive Roper crée son cabinet de conseil, la Roper Toxicology Consulting Limited . Il aide ses clients à travers le développement, l’adoption réglementaire, l’acceptation des nouvelles méthodes d’approche, ainsi que des tests utilisant ces nouvelles méthodes d’approche pour des clients issus du secteur de la biotechnologie, de taille moyenne et multinationaux. Le Dr Clive Roper a présenté et organisé de nombreuses conférences. Il est l’auteur et le co-auteur d’un large nombre d’affiches et de résumés, ainsi que d’articles évalués par des pairs, avec notamment ses articles cités dans les lignes directrices n°428 et n°492 de l’OCDE. En 2022, il est l’auteur d’une étude de cas de l’OCDE sur la toxicité d’inhalation des nouvelles méthodes d’approche. Il est membre de comités de lecture pour des revues telles que « Toxicology in Vitro » et « Regulatory Toxicology and Pharmacology ».

Il a conseillé des agences telles que le NIH (National Institute of Health), le CSSC, l’EPA et Santé Canada, ainsi que des organismes et des entreprises du secteur. Il a développé des modèles qui ont conduit au remplacement direct des animaux pour l’absorption et la toxicologie cutanée, ainsi que pour la toxicologie par inhalation. Le Dr Clive Roper siège aux conseils d’administration de la 3R Collaborative des États-Unis, de l’ESTIV, de la NC3R du Royaume-Uni et de PeptiMatrix. Il est membre de la table ronde des consultants en toxicologie, de la société de toxicologie et de l’American College of Toxicology. Le Dr Clive Roper est un biologiste et scientifique agréé, membre inscrit au registre européen des toxicologues et membre de la Royal Society of Biology.

Image credit: Clive Roper - Istock – Deposit photo