Dr Vincent Dani est cofondateur de la start-up française ExAdEx-Innov qui développe des technologies innovantes et brevetées autour du tissu adipeux humain. Outre ses compétences en tant qu’entrepreneur deeptech, Vincent possède un Doctorat en Biologie Cellulaire et Moléculaire de l’Université Côte d’Azur et une formation en gestion de la recherche clinique à la Faculté de Médecine de La Timone, Marseille.
Dr Luigi Formicola est le cofondateur et directeur des opérations d’ExAdEx-Innov. Titulaire d’un doctorat en biologie cellulaire, il possède plus de dix ans d’expérience dans la gestion de projets de recherche et le transfert de technologies dans le secteur des biotechnologies, ainsi que dans le développement de médicaments.
Comité Pro Anima : Pourriez-vous présenter en quelques mots, pour nos lecteur(rice)s, votre projet “ObFAT-3D”, ses particularités, les objectifs et résultats (en matière d’innovation et/ou d’application) que vous attendez et sous quelles échéances ?
Dr. Vincent Dani & Dr Luigi Formicola : Aujourd’hui, l’obésité et les maladies chroniques qui lui sont associées, comme le diabète de type 2, représentent un véritable défi de santé publique. L’une des principales causes vient de l’inflammation bas grade et la fibrose du tissu adipeux viscéral (la graisse située en profondeur, autour des organes internes), qui aggrave ces maladies. Actuellement, il n’existe pas de modèle d’étude de référence de laboratoire efficace et réellement pertinent pour étudier ces mécanismes et tester de nouveaux traitements ciblés.
Notre projet “ObFAT-3D” vise à créer le premier modèle de tissu adipeux viscéral humain de laboratoire, capable de reproduire fidèlement les processus qui se déroulent chez les patient(e)s atteint(e)s d’obésité et maladies métaboliques chroniques. Grâce à la technologie brevetée ExAdEx, nous avons la possibilité de cultiver du tissu adipeux humain ex vivo dérivé de donneurs en laboratoire pendant plusieurs semaines, sans en altérer la structure et la physiologie. En partenariat avec le CHU de Nice, nous avons réussi à reproduire, de manière contrôlée, l’inflammation et la fibrose observée chez les patient(e)s en situation d’obésité.
Ce modèle représente une avancée majeure car il offre une alternative plus pertinente que les modèles animaux, qui ne reproduisent qu’imparfaitement les mécanismes d’obésité chez les patient(e)s. D’ici fin 2025, nous allons proposer ce modèle aux chercheur(e)s et aux industriels du secteur pharmaceutique pour accélérer le développement de nouveaux traitements.
P.A :La singularité du Prix Descroix-Vernier EthicScience est de promouvoir et de récompenser des programmes de recherche innovants hors modèle animal. Quelles ont été vos motivations, les raisons qui vous ont poussé à travailler et/ ou à développer ses outils innovants centrées sur l’humain ?
VD et LG : Nos modèles sont conçus et dérivés à partir de tissus humains récupérés lors d’interventions chirurgicales, offrant un accès direct à des échantillons représentatifs de différents profils de donneurs. De cette manière nous valorisons des déchets opératoires, qui portent en eux une véritable valeur prédictive pour la recherche préclinique.
Contrairement aux modèles animaux, où l’obésité ne se développe pas de la même manière, les modèles que nous dérivons à partir de ces tissus conservent leur structure et leurs fonctions natives, garantissant des résultats plus fiables et transposables au contexte clinique.
Cette approche est à la fois plus éthique et scientifiquement plus pertinente, car elle permet d’étudier en conditions de laboratoire les mécanismes pathologiques au niveau du tissu adipeux et tester différentes possibilités de la corriger dans un contexte réellement humain, accélérant ainsi le développement de traitements personnalisés, plus adaptés, sûrs et efficaces.
P.A :Qu’est-ce qui fait selon vous la force de ces nouveaux modèles non animaux, et d’après votre expérience qu’est-ce qui motive un(e) chercheur(e) à utiliser ces outils innovants ?
VD et LG : Les modèles alternatifs progressent, mais beaucoup restent complexes à mettre en place, nécessitant des infrastructures parfois lourdes et une expertise technique très spécifique. Notre vision est de proposer des modèles tissulaires humains matures, directement utilisables en laboratoire et facilement manipulables avec les techniques de culture cellulaire conventionnelles. Nos tissus conservent leur structure native, avec différents types cellulaires, une vascularisation et une matrice extracellulaire intactes, offrant une approche unique et immédiatement exploitable selon les besoins des chercheur(e)s.
En plus d’être plus pertinents cliniquement que les modèles animaux, nous souhaitons aussi que nos modèles soient plus accessibles et rapides à intégrer par les chercheurs et les chercheuses dans leurs recherches. Une alternative plus éthique, plus accessible et plus efficace que les modèles animaux existants.
P.A : Dans quel contexte de la recherche (française, européenne, internationale), vos travaux s’inscrivent-ils ? Quels sont les enjeux de votre projet ?
VD et LG : Nos travaux reposent sur une collaboration étroite public-privé entre notre société ExAdEx-Innov, l’Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire (IPMC) de Sophia Antipolis, l’Institut de Biologie Valrose et plusieurs partenaires cliniques et académiques français. Notre ambition c’est de faire de nos modèles de graisse humaine, le modèle de référence internationale pour la recherche pharmaceutique et biomédicale.
Certains prototypes ont déjà été testés par des industriels du secteur dermo-cosmétique et de la chirurgie esthétique et notre objectif est de les mettre davantage à disposition de chercheur(e)s, de startups innovantes et de sociétés de développement de produits, en France et à l’international. L’enjeu pour nous est clair : disposer de modèles innovants et non animaux pour accélérer le développement de traitements plus efficaces et adaptés aux patients.
“Nos modèles sont conçus et dérivés à partir de tissus humains récupérés lors d’interventions chirurgicales, offrant un accès direct à des échantillons représentatifs de différents profils de donneurs. Contrairement aux modèles animaux, où l’obésité ne se développe pas de la même manière, les modèles que nous dérivons à partir de ces tissus conservent leur structure et leurs fonctions natives, garantissant des résultats plus fiables et transposables au contexte clinique.”
P.A : A quel stade de votre carrière et de vos recherches ce Prix intervient-il et que vous permettra-t-il d’accomplir ?
VD et LG : Fondée fin 2022, ExAdEx-Innov s’est imposée en un peu plus de 2 ans comme un acteur clef de l’innovation en bio-ingénierie de tissus humains. Nous collaborons déjà avec des entreprises dans les secteurs de la dermo-cosmétique, des dispositifs médicaux et pharmaceutique, et nous repoussons sans cesse les frontières de la recherche en développant des modèles de tissus toujours plus complets et physiologiquement pertinents (vascularisés, fibrosés, lymphatiques, etc.).
Ce Prix représente bien plus qu’une récompense : c’est une reconnaissance du potentiel scientifique et médical de nos travaux. Il valide notre approche, conforte notre engagement en faveur d’une recherche plus éthique et accélère notre mission : proposer aux chercheurs et aux industriels des outils révolutionnaires pour développer plus rapidement des thérapies efficaces et adaptées aux patients.
Crédit image : Comité scientifique Pro Anima, Axel Coquemon