Dr Benoît Maisonneuve est Product Owner chez NETRI. Titulaire d’un double doctorat en rhéologie et en bio-ingénierie, il a été le pionnier de diverses technologies allant du cerveau-sur-puce en passant par la fabrication d’hydrogels en 3D et les stratégies CRISPR/Cas9. Son parcours en entreprise comprend la gestion d’essais cliniques et de projets pharmaceutiques.
Dr Thibault Honegger est le PDG de NETRI qu’il cofonde en 2018. Diplômé de l’Ecole Centrale de Nantes, il obtient son doctorat en Biotechnologies au LTM (CNRS/Université Grenoble Alpes/CEA) en 2011. Après un post doctorat au MIT à Boston pendant, il rejoint le CNRS en tant que chargé de recherche à Grenoble pour diriger l’équipe de neuro-ingénierie microfluidique. Il a publié plus de 40 articles et est l’inventeur de 12 brevets.
Comité Pro Anima : Pourriez-vous présenter en quelques mots, pour nos lecteur(rice)s, votre projet “Neuron as a sensor”, ses particularités, les objectifs et résultats (en matière d’innovation et/ou d’application) que vous attendez et sous quelles échéances ?
Dr Thibault Honegger et Dr Benoit Maisonneuve : « Neuron as a Sensor » est un projet révolutionnaire qui utilise la capacité naturelle des neurones comme capteurs pour digitaliser l’effet biologique de composé (médicament ou autre) sur la biologie humaine. Grâce à une technologie d’organe-sur-puce combinée à l’IA (intelligence artificielle), nous enregistrons l’activité neuronale pour établir des signatures digitales discriminatives de conditions saines, pathologiques ou induites par des substances (médicaments, pesticides, insecticides, etc…). Cette approche, plus prédictive et éthique que les tests sur animaux, permet d’évaluer l’efficacité des médicaments et la toxicité de divers composés chimiques. Nous avons déjà démontré la faisabilité de cette technologie et poursuivons son développement pour élargir son application. À moyen terme, notre objectif est de proposer une alternative fiable et standardisée aux tests sur animaux pour à la fois accélérer le développement de traitements plus sûrs et plus efficaces, augmenter le niveau de protection des populations et réduire l’utilisation de l’animal lorsque celui-ci n’est pas indispensable.
“Tester l’innombrable quantité de substances chimiques et de médicaments uniquement sur des animaux est non seulement inefficace, mais aussi coûteux, long et largement insuffisant face aux enjeux actuels”
P.A : La singularité du Prix Descroix-Vernier EthicScience est de promouvoir et de récompenser des programmes de recherche innovants hors modèle animal. Quelles ont été vos motivations, les raisons qui vous ont poussé à travailler et/ ou à développer ses outils innovants centrées sur l’humain ?
TH et BM : Au-delà de l’aspect éthique discutable de l’utilisation d’animaux, ces modèles sont souvent peu prédictifs pour l’humain en raison des différences biologiques entre espèces. Tester l’innombrable quantité de substances chimiques et de médicaments uniquement sur des animaux est non seulement inefficace, mais aussi coûteux, long et largement insuffisant face aux enjeux actuels. De plus, le volume de composés à tester est colossal : il serait irréaliste, tant sur le plan éthique que logistique, de tous les évaluer via des modèles animaux. Notre approche « Neuron as a Sensor » a pour ambition de proposer une alternative plus pertinente et centrée sur l’utilisation de cellules souches humaines. En utilisant des neurones humains dans nos dispositifs d’organes-sur-puce, nous enregistrons leurs signatures digitales que nous pouvons ensuite relier à des réponses biologiques humaines en les comparant à notre bibliothèque de signatures digitales de composés de référence. Cette approche révolutionnaire permet d’évaluer plus précisément la toxicité et l’efficacité des composés, d’accélérer le développement de nouveaux traitements et d’apporter une solution fiable pour remplacer les tests sur animaux. Elle répond également à un enjeu de santé publique majeur : en testant un plus grand nombre de substances (seul ou en combinaison) avec une précision accrue, nous renforçons la protection des populations face aux risques liés aux produits chimiques et aux médicaments.
P.A : Qu’est-ce qui fait selon vous la force de ces nouveaux modèles non animaux, et d’après votre expérience qu’est-ce qui motive un(e) chercheur(e) à utiliser ces outils innovants ?
TH et BM : La force des nouveaux modèles non animaux réside avant tout dans leur capacité à mieux refléter la biologie humaine. Contrairement aux modèles animaux, qui souffrent de différences inter espèces rendant les prédictions incertaines, nos systèmes basés sur des cellules humaines permettent d’obtenir des résultats plus pertinents et transposables. Ils sont aussi plus éthiques, plus rapides et permettent d’analyser un volume bien plus important de composés, ce qui est impossible avec les tests sur animaux en raison des coûts, du temps et du nombre d’animaux requis.
Ce qui motive un(e) chercheur(e) à adopter ces outils, c’est avant tout la quête de données plus fiables pour mieux comprendre les effets et mécanismes biologiques, accélérer le développement de nouvelles solutions thérapeutiques et augmenter le niveau de protection des populations. Il y a aussi une pression réglementaire et sociétale croissante pour limiter l’expérimentation animale, ainsi qu’un intérêt scientifique évident pour des approches plus modernes intégrant l’IA et des technologies avancées comme les organes-sur-puce.
P.A : Dans quel contexte de la recherche (française, européenne, internationale), vos travaux s’inscrivent-ils ? Quels sont les enjeux de votre projet ?
TH et BM : Nos travaux s’inscrivent à plusieurs échelles – française, européenne et internationale – car les enjeux qu’ils adressent sont globaux et multidimensionnels.
Dans cette dynamique, NETRI joue un rôle actif au sein de nombreux groupes de réflexion et de normalisation, aux niveaux français, européen et international, afin de faire évoluer la réglementation et de faciliter l’adoption de nouvelles approches plus prédictives, éthiques et efficaces.
P.A : A quel stade de votre carrière et de vos recherches ce Prix intervient-il et que vous permettra-t-il d’accomplir ?
TH et BM : Ce prix intervient à un moment clé de nos travaux. Après plusieurs années consacrées au développement de notre technologie, nous avons démontré la faisabilité et le potentiel de cette approche avec des preuves de concept solides et nous avons déjà des collaborations stratégiques avec des acteurs académiques, industriels et réglementaires.
Ce prix va nous permettre d’accélérer la validation et l’adoption de notre technologie à plus grande échelle. Concrètement, cela signifie :
En somme, ce prix est une reconnaissance qui nous donne non seulement une visibilité accrue, mais aussi des moyens supplémentaires pour faire évoluer la recherche biomédicale vers des approches plus prédictives, éthiques et efficaces.
Crédit image : Comité scientifique Pro Anima, Axel Coquemon