Tests sur animaux : demandons à l’AFM téléthon une révolution éthique


14 avril 2014

Depuis 25 ans l’association AFM Téléthon mobilise l’échiquier médiatique français pour 30 heures consécutives. Les stars du petit écran enchainent les prises de paroles tandis que les malades défilent, les compteurs tournent et le logo AFM Téléthon s’affiche sur tous les écrans de télévision et dans nos esprits.
Une gigantesque machine ! Quelqu’un qui aurait choisi de s’installer dans une grotte pendant 3 jours serait tout de même atteint par la communication intrusive de l’AFM Téléthon.
Au fil du temps, l’opération est devenue une véritable institution au même titre qu’une fête religieuse ou culturelle. Un passage obligé de la charité publique : entre la rentrée et Noël le Téléthon est inscrit sur nos agendas, fortement imprimé dans nos gènes d’animal social.
D’un point de vue de la « com », avoir réussi à ancrer si profondément une habitude dans notre quotidien est un coup de maître. Car bien qu’honorable, voire même indispensable dans les buts qu’elle s’est allouée, une simple association bénéficiant d’un tel traitement est tout simplement unique !

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Une institution qu’il est difficile de critiquer.

En devenant une institution, l’AFM Téléthon s’expose à des critiques. C’est la rançon légitime du succès.
Pourtant il reste très politiquement incorrect d’avoir un point de vue nuancé, bien que construit et documentée, sur l’opération Téléthon.
Par exemple, un papier de la journaliste scientifique Sylvie Simon, récemment décédée, intitulé « téléthon 22 ans de kermesse médiatique » publié, entre autre, dans les pages de la revue de l’association Pro Anima en 2007 fait encore aujourd’hui le buzz !
Cet article citait les propos du Professeur Testart : « La thérapie génique n’est pas efficace (…) faute de pouvoir guérir les vraies maladies, on va chercher à la découvrir en amont, avant qu’elles ne se manifestent ».
On pouvait lire également les propos de Bertrand Jordan, docteur en physique nucléaire, reconverti à la biologie moléculaire, ancien directeur de recherches au CNRS qui écrivait “La communauté médico-scientifique dont les gènes sont le fonds de commerce, nourrit le grand public d’illusions”.
Scientifiquement parlant, la thérapie génique n’a jamais fait l’unanimité dans la communauté. Des succès relativement limités qui posent question.
Cette technique consistant à faire pénétrer des gènes modifiés dans une cellule afin de développer une thérapie efficace pour soigner une maladie n’aurait pas connu de succès significatifs en 25 ans. (Est-ce pour cela que perdure le téléthon depuis 3 décennies ?)

De son côté l’AFM Téléthon met en avant une poignée de succès avérés.
En 2000 des bébés bulle privés de défenses immunitaires sont traités avec succès par thérapie génique.
Ce que ne disent pas les brochures : nombres d’entre eux auraient par la suite développé des leucémies.
Toujours dans la brochure officielle, un jeune malade a retrouvé une vie normale et deux autres auraient vu l’évolution de leurs maladies stoppée grâce à la thérapie génique.
Faut-il donc remettre sérieusement en cause la thérapie génique ? Le bruit de fond est tellement intense qu’il est parfois difficile de se faire une opinion et de vérifier la véracité des faits, chacun ayant tendance à prêcher pour sa propre paroisse.
La thérapie génique recèle pourtant un formidable potentiel thérapeutique.

Pour un débat éclairé, n’oublions jamais la détresse humaine qui est bien présente et difficilement acceptable.
Les maladies dont souffrent ces enfants sont terribles (Thalassémie, amyotrophie spinale, laminopathie…)
L’action de l’AFM Téléthon est légitime. D’ailleurs certaines initiatives, hors recherche, sont à applaudir telles la création de « villages répit familles » qui permettent aux parents durement éprouvés de souffler un peu et de gérer leurs émotions pour se reconstruire.

Une souffrance reconnue sur des enfants, mais infligée aux animaux…

Audrey Jougla jeune journaliste et auteur d’un mémoire en philosophie éthique sur l’expérimentation animale, a de son côté choisi de montrer la face cachée des laboratoires au nom d’une information éclairée. Son article paru récemment sur le site Rue89 jette un pavé dans la mare. Audrey a pu infiltrer les laboratoires pour fournir une information que tout un chacun est en droit d’obtenir et que ne relatent pas les brochures de l’AFM Télethon : des chiens rendus malades vivant avec une sonde autour du cou car incapables de se nourrir. Certains ont des difficultés respiratoires et motrices très lourdes. D’autres se déplacent comme des robots…

Une information qui dérange, qualifiée de lamentable sur le compte twitter de l’organisme « recherche animale » chargé de promouvoir l’expérimentation animale au service de l’homme et de contenir un débat public de plus en plus récurent.
Les chiens cobayes découverts par Audrey Jougla font cruellement échos à ceux que nous évoquions dans un de nos articles paru en 2000 : “la myopathie humaine testée sur des chiens” il y a donc 14 ans !
Nous relations alors les expériences réalisées sur des labradors et Golden Retriever pour la thérapie génique de la myopathie humaine. Rien n’a changé depuis.
De son côté, la journaliste que nous avons contactée s’est dite atterrée des messages agressifs reçus depuis la parution de l’article. Cela n’empêchera pas la journaliste de poursuivre son devoir d’information. Ce qu’elle a vu est trop grave pour être tu.
Au regard de ces faits, une question importante se pose : les animaux doivent-ils subir nos maladies ? Ces souffrances que nous reconnaissons sur les enfants et qui nous émeuvent peut-on les infliger à des chiens ?

Une révolution éthique !

Il ne s’agit pas de critiquer gratuitement l’AFM Téléthon, mais d’ouvrir des pistes de réflexions. Surtout appeler à une prise de conscience du monde de la recherche.
Nous lançons un appel à ce bel élan de solidarité que représente l’AFM Téléthon : Très vite, il faut absolument faire le choix éthique d’une recherche sans expérimentation animale. Des techniques alternatives doivent être financées, créées, développées.
C’est aussi une question d’efficacité scientifique : la thérapie génique sur le labrador doré myopathe ne pourra pas nécessairement être transposable à l’humain. La réaction d’un animal ne présage en rien de celle d’un patient.
L’AFM Téléthon est devenue si importante qu’elle doit rendre des comptes et montrer l’exemple.
Dans ses brochures l’association parle d’une révolution sociale. Nous demandons une révolution éthique !
Sur notre blog nous préférons relater les progrès d’une science plus moderne et respectueuse du vivant. Les exemples existent d’ailleurs ! Une des plus belle nouvelle scientifique de l’année 2013 n’etait-elle pas la mise sous silence de la trisomie 21 grâce à une technique in-vitro ?

AG

(paru dans notre bulletin Sciences, Enjeux, Santé n°72 — Mars 2014)